Chapitre IV

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*Ce n'est pas de votre faute*

Tony faisait découvrir la tour aux yeux émerveillés d'Ode. Ils faisaient ensemble les activités qu'elle regorgeait, du basket, du billard, du baby foot, de la natation.

Au début, ça allait. Il arrivait à se distraire, à se soutraire au vide. Enfin, c'était ce qu'il croyait. Mais avec le temps, il se rendit compte qu'il ne pouvait pas se soustraire à ses démons. Ça devenait de plus en plus inquiétant pour lui. Il avait beau tout faire pour, il revenait toujours à son désespoir. Il avait ce vide en lui qui aspirait tout. Il ne vivait pas les choses.

Il comprit rapidement que rien ni personne ne pouvait faire quelque chose pour lui. La présence d'Ode ne servait à rien. Il aurait souhaiter le contraire, mais non. Ça le désespérait. La voir, c'était voir son échec, alors il l'évitait.

Il redevint ce qu'il était avant qu'elle arrive. Il faisait les mêmes choses. Déçu, il s'éloignait d'elle, se renfermait. Il était froid avec elle, presque méprisant. Elle encaissait.

Si elle n'avait d'yeux que pour la tour, elle ne les avait pas sur lui. Il lui semblait alors qu'elle ne voyait pas ce qui se cachait en lui.

Évidemment, Ode n'était pas dupe. Elle avait remarqué cette volonté de se distraire comme pour fuir. Elle avait remarqué qu'il était comme détaché de la réalité, qu'il faisait semblait pour se duper lui-même et elle.

Alors un soir, alors qu'ils faisaient un billard avec un verre de whisky, Tony décida que ça avait trop durer et dit :

- Vous pouvez partir si vous le souhaitez, je ne vous retiendrai pas.

- Pourquoi aurais-je envie de partir?

- Parce que je suis invivable. Bon sang, n'avez pas quelqu'un qui vous attend chez vous ? Vous êtes inutile ici.

Peut-être aurait-il voulu qu'elle lui crache à la gueule et qu'elle s'en aille en l'insultant de tous les noms, ça l'aurait conforté dans l'opinion qu'il avait de lui.

Au lieu de ça, elle le dévisagea, nullement vexée. Elle prit cependant un air sérieux que Tony ne lui connaissait pas.

- Est-ce que voulez que je parte ?

- Je crois, oui. Je pensais que peut-être vous auriez pu me sauver, mais non.

Elle soupira.

- Vous agissez comme si étiez détaché de tout, vous vous renfermez. Vous êtes froid et lointain. Je ne peux rien faire si vous ne vous ouvrez pas un peu.

Comme un lapin pris entre deux fards, il écarquilla les yeux. Il était tard, et c'était l'un de ces soirs. L'un de ces soirs douloureux. Il était épuisé, il l'avait toujours été. Il n'avait aucune raison de lui mentir, elle le saurait.

- Parce que je le dois. Si je me laisse ressentir les choses, si je laisse toute cette colère et cette douleur sortir, ça ne s'arrêtera jamais.

- Mais ce n'est pas comme ça que ça marche.

Ses mots le mirent dans une colère. Il n'avait pas de leçon à recevoir. Elle ne le connaissait pas, elle ne connaissait pas ce qu'il traversait. Ce genre de choses, c'était facile à dire pour elle. Des conseils vides, il ne pouvait plus le supporter.

- Alors quoi ? Qu'est-ce qui marche ? Je me suis déjà déchiré, torturé, mais je ne me sens pas mieux, je ne suis pas en paix. Je me réveille chaque jour, et c'est le même jour, encore et encore. C'est facile pour vous, vous entrez et sortez dans la vie des gens, dans ma vie, mais moi, je reste, je reste coincé avec tout ça.

 Ode Aux Ascenseurs Où les histoires vivent. Découvrez maintenant