L'affrontement final

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Thème : Vous traversez le couloir sombre avant d'arriver en pleine lumière. Des cris vous acclament et vous êtes éblouis pendant quelques secondes. Le bruit des tambours sonne le départ de votre épreuve. Vous faites votre premier pas dans l'arène, le cœur battant.


Un mouvement circulaire de la tête. Pour étirer ma nuque. Une rotation des poignets. Rester en mouvement me rassure. Je lève les yeux vers la double porte close, un rai de lumière se faufile sous les battants et atteint le bout de mes pieds.

« Tu es prêt ?

-Evidemment. »
Le capitaine s'approche de moi, les mains dans les poches et se place à mes côtés. Je me tourne vers lui. Il n'a pas l'air tendu, il fixe la porte de son air constamment nonchalant. Est-il possible de le mettre en rage ? On ne dirait pas. Ou peut-être est-ce justement ça son truc. Il est peut-être constamment en rage, à tel point qu'on ne peut même plus le remarquer. Ou peut-être est-il au contraire toujours calme, incapable de la moindre colère brûlante.
Il me dédie un sourire doux et confiant et pose une main sur mon épaule.
« On compte sur toi.
-Je sais.
-Les autres ont combattu de leur mieux., annonce-t-il comme une vérité indiscutable.
-Mais rien n'est encore gagné. »
Il a un sourire légèrement amusé et hoche la tête. Non rien n'est encore gagné. C'est mon affrontement qui déterminera l'issue. C'est de moi que dépend la victoire. C'est de moi que dépend la défaite. Mais je ne perdrai pas.

Je fais tourner mon arme entre mes doigts. Je dois prendre garde à ne pas trop la serrer, je risquerais d'arriver face à mon adversaire avec les mains moites. Comme s'il devinait mes pensées mon capitaine me tend une serviette. La porte derrière nous s'ouvre avec fracas et Kou s'engouffre dans la pièce, suivi des plus jeunes.

« Ils nous attendent. C'est l'heure. T'es prêt ? » Je lui réponds d'un hochement de tête.

Oui je suis prêt. C'est le moment de vérité. Le moment que nous avons attendu. Le moment pour lequel nous nous sommes battus. Nous avons surmonté tous les obstacles qui nous bloquaient la route. Nous sommes partis du bas de la pyramide, de rien.
Ils nous avaient jetés à terre, piétinés comme des vermines. Mais nous avons grimpé, nous avons saisi les plus infimes prises de cette montagne qu'il nous fallait gravir. Et aujourd'hui nous sommes à un combat du sommet. Et cette fois c'est nous qui allons les mettre à terre. Eux qui nous méprisaient, qui nous ont traité comme des moins que rien. Eux qui, pour nous faire payer notre défaite un an plus tôt, pour nous faire payer notre arrogance, ont pris le contrôle total de nos vies. Nous allons leur montrer qui nous sommes.

Je fais fonctionner mes articulations et demande : « Il y a qui dans les gradins ?
-Les gens de l'Ouest, ils sont très bruyants.
-Qui est-ce que ça surprend ? »

Un murmure amusé se répand parmi notre petit groupe. Malgré la tension que tous ressentent. « Mais il n'y a pas qu'eux., reprend un de mes camarades, Toute la ville est là j'ai l'impression. -C'est un moment important. » fait remarquer le capitaine en haussant les épaules.

Oui. C'est un grand moment. L'issue de cet affrontement déterminera le futur de tous ceux qui sont présents aujourd'hui, mais pas seulement. Il déterminera le futur du pays tout entier. Si je gagne, je renverserai la tendance. Et je mettrai un terme à la hiérarchie absurde qui nous gouverne tous. Ce monde où le plus fort a tous les droits sur le plus faible, mais ne fait preuve d'aucun respect envers lui. Ce monde gouverné par la force brute.

Je l'avais fui pendant un temps. Kou m'avait dit d'arrêter. Que je ne comprenais pas la marche du

monde, et que si je n'étais pas capable de m'y plier, il valait mieux que je me tienne à distance. Mais aujourd'hui il me donne une nouvelle chance. Une chance de réparer mes erreurs, celles qui ont couté à tous mes proches leur tranquillité et leur dignité. Mais aussi une chance de renverser le statu quo. Ce système qui me répugne, auquel j'ai voulu échapper, nous l'avons infiltré, et en prenant le pouvoir, nous le redéfinirons.

Kou me donne une dernière tape sur l'épaule et tous se placent derrière moi. Un dernier mouvement de la nuque. Un rapide tournoiement de l'arme que je tiens. Avec elle, je vais changer le monde.
Et les portes s'ouvrent. La lumière inonde notre groupe et emplit mes yeux, je suis ébloui pour un instant. Mais ce n'est pas grave. J'entends tout. C'est pour ça que je suis le meilleur. Mon ouïe est parfaite, elle me permet de prédire les mouvements de mon adversaire. Je sais tout. Et ébloui par la lumière blafarde de l'arène, j'avance, soutenu par les pas de mes amis derrière moi.

La foule hurle. Des encouragements, des insultes aussi. Parce que tant que nous n'aurons pas gagné nous serons des usurpateurs, des orgueilleux qui pensent pouvoir mettre à genoux les plus grands du pays. Les rois absolus, indétrônables. Et pourtant aujourd'hui, ils vont perdre.

Les cris percent mes oreilles, les chaussures sur le sol résonnent et crissent. Dans les gradins des centaines de silhouettes de toutes les couleurs s'agitent et hurlent. Ils sont là pour moi. Parce qu'ils veulent voir du spectacle. Du sang. Ils veulent voir le trublion, le chien fou que je suis se faire dresser par les maitres qu'eux n'oseront jamais contester. S'ils veulent du sang, s'ils veulent des larmes, ils en auront. Mais ça ne viendra pas de moi. De l'autre côté de la salle mon adversaire se lève. Vêtu de blanc, entouré de ce qui semble être toute une armé. Il pose sur moi un regard paresseux et me gratifie d'une petite moue avant de reporter son attention sur son propre capitaine. Je ne suis qu'un perdant parmi des centaines pour lui. Pour moi, il est l'ultime barrière à franchir. Pour moi, il est le seul.

Nous nous approchons l'un et l'autre du centre de la pièce, sous le feu des projecteurs. J'entends mes amis crier derrière moi. J'entends le claquement de langue de mon adversaire et le bruit de la main qu'il passe dans ses cheveux bouclés. Je m'arrête face à lui. J'entends ma propre respiration. J'entends le sang battre mes tempes. Il n'y a plus rien à dire. Maintenant il faut faire parler les balles.

Il sert. Vers la droite ! Balle courte ! Je resserre la main sur le manche de ma raquette et renvoie la balle. Son rebond sur la table frappe mes oreilles, il bondit à son tour. Autour de nous j'ai l'impression que le bruit s'est tu. Il n'y a plus que lui et moi. Sa respiration et la mienne. Sa sueur qui tombe sur le parquet et la mienne. Le claquement de la balle qui frappe la table, et l'impact de nos raquettes contre elle. Quelqu'un gagnera aujourd'hui. Et ce sera moi. Ça doit être moi.

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⏰ Last updated: Jan 29, 2021 ⏰

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