Chapitre 11 : La Dernière Frontière

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L'équipage posa le pied à terre alors que le soleil avait disparu de l'horizon depuis bien longtemps. Rothaïde ne put s'empêcher de souffler de soulagement, ce voyage avait été un véritable cauchemar pour elle. Elle se sentait bien égoïste de penser cela, après tout elle n'avait rien eu de plus à faire que d'attendre dans la cabine du capitaine. Les pirates, eux, avaient dû se démener pour maintenir le cap.

Quelques habitants de Taniia vinrent accueillir les hors la loi malgré l'heure tardive. Même s'ils n'allaient pas jusqu'à considérer les renégats tels des membres de leur famille comme à Arton, ils se montrèrent particulièrement reconnaissants des sacs de graines qui leur étaient offerts par simple bonté.

Même si elle s'y était préparée, Rothaïde fut marquée par la pauvreté de la ville. Elle lui semblait peut-être encore pire qu'à Arton, les mers n'offrant probablement même pas de crustacés pour pallier à la famine. De plus, en un mois, l'ancienne héritière avait appris à faire abstraction des corps encore malfamés des habitants d'Arton. Mais face à des inconnus, elle ne pouvait plus ignorer les bras fins, les joues creusées, les habits déplorables et les maisons de bric et de broc. Taniia pouvait-elle seulement survivre à l'hiver ? Le climat de Centule était plutôt agréable en toute saison mais les températures chutaient malgré tout au moment des récoltes.

Bernon arriva aux côtés de la fausse domestique.

- Ne les fixe pas autant, lui murmura-t-il dans l'oreille.

Aussitôt, Rothaïde détourna les yeux des villageois. Elle ne voulait aucunement les mettre mal à l'aise, elle n'arrivait juste pas à comprendre. Comprendre comment ils pouvaient vivre dans de telles conditions. Comment le gouvernement de Centule pouvait laisser cela se passer. Comment elle pouvait laisser cela se passer.

Le capitaine posa sa main sur le dos de la jeune femme et commença à la caresser tendrement. Elle savait qu'il cherchait à la réconforter, lui faire oublier cette réalité si difficile, mais elle ne pouvait chasser de ses pensées les reproches qu'elle se faisait.

- Nous avons eu un voyage difficile, nous allons nous reposer, annonça-t-il aux habitants de Taniia une fois tous les présents distribués.

Un villageois se présenta alors comme le propriétaire de la taverne de la ville. Il annonça avoir plusieurs chambres libres et offrit la nuit aux renégats pour les remercier de leur générosité.

Sur le chemin vers l'auberge, Rothaïde était talonnée de Bernon. Il avait connu la pauvreté, perdu sa sœur cadette de maladie quelques années plus tôt, consacré sa vie à essayer de rétablir la justice que Centule avait oublié, et il aurait eu toutes les raisons de la juger ridicule d'être ainsi déstabilisée devant la faim. Pourtant, il était attentionné avec elle, presqu'inquiet de ses ruminations. Pourquoi ? Pourquoi prendre soin d'elle ? Qu'en tirait-il ?

La chambre qu'on attribua à la brune était modeste mais celle-ci ne pensa même pas à s'en plaindre. Après tout, elle venait de voir des corps tellement amaigris qu'ils semblaient prêts à s'effondrer, qui était-elle pour s'apitoyer sur son propre sort ?

« Une princesse qui a abandonné son peuple » pensa-t-elle. Voilà ce qu'elle était.

Elle ne put retenir une grimace de dégoût envers elle-même. Elle se détestait jour après jour un peu plus pour agir avec tant d'égoïsme. Bernon et le reste de l'équipage donnait leur vie pour compenser les erreurs du gouvernement de Centule, et elle préférait rester vivre une vie qui ne lui correspondait pas plutôt que de monter sur le trône et de faire changer les choses.

...

Eudoxie attrapa sa main et la tira vers la place principale de la ville. Le soleil était apparu à l'horizon il y avait de cela deux heures. Rothaïde avait décidé de partir explorer la ville quand elle était tombée sur Eudoxie, bien excitée à l'idée d'être à Taniia.

Hors la loi et bientôt ReineOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz