Chapitre 8 : La Vérité

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Rothaïde comprit la fonction de tous les objets achetés à Carvhill quand les pirates les sortirent des sacs : ils étaient destinés aux habitants d'Arton. A l'instant même où les pirates leur en donnèrent l'autorisation, les enfants se ruèrent sur les habits de leur âge pour se les répartir. En parallèle, les hommes remercièrent largement les balluchons remplis de graines à semer et les femmes s'exclamèrent devant les bijoux qu'elles ne pouvaient habituellement pas se permettre. Certains adultes pleurèrent même de joie face à la générosité des hors la loi. La princesse eut à peine le temps de s'effarer devant un tel spectacle qu'une voix à ses côtés la surprit :

- Et qui est donc cette charmante jeune femme ?

Rothaïde se tourna en direction du son et tomba sur une vieille femme à peine plus petite qu'elle. Bernon était face à elle. L'héritière s'inclina pour saluer son ainée, et celle-ci lui fit rapidement signe de se redresser.

- Elle voyage avec nous pour un temps, répondit vaguement le capitaine.

- Et moi qui pensais que nous allions enfin célébrer ton union ! râla la vieille femme.

La fausse domestique rougie jusqu'aux oreilles à l'allusion maritale tandis que Bernon préféra en rire.

- Elle vient de la capitale.

- De la capitale ? Est-ce vrai ?

Rothaïde hocha la tête et, presqu'aussitôt, une horde d'enfants et d'adolescents se précipita vers elle.

- Est-ce vrai que toutes les femmes portent des robes de soies là-bas ? Et des bijoux ?

- Il paraît que toutes les cheminées sont ornées d'or !

- On dit que les plus grands chevaliers s'affrontent à l'épée sur la place du village !

- Comment est le château ? Est-il aussi grand qu'on le raconte ?

- Et la princesse ? Tu l'as déjà vue ? J'ai entendu dire qu'elle était magnifique.

- Il paraît que l'ancien héritier était un grand guerrier !

Les questions fusaient et ladite Rose tentait tant bien que mal de calmer l'engouement des enfants. Mais ils étaient tous bien trop excité à l'idée de pouvoir parler de Seinbur. Elle aurait voulu répondre aux multiples interrogations, mais elle réalisa bien vite qu'elle ne connaissait pas la réponse de la plupart. Les femmes de Seinbur portaient-elles des robes en soies et des bijoux ? Elle n'en savait rien, elle était si rarement sortie de son château ces dernières années. Elle ne savait pas non plus si les chevaliers se battaient sur la place du village, si son château était plus grand que ceux des contrées voisines, ou si elle était belle. Son frère était en revanche un grand guerrier, de cela elle en était sûre. Mais elle ne pouvait le dévoiler sans risquer de compromettre son identité royale.

Rothaïde se demanda comment des enfants si démunis que ceux à qui elle faisait face, pouvaient être sincèrement heureux à l'idée de parler de richesses qu'ils n'auraient jamais. Elle avait toujours su qu'elle était privilégiée en tant qu'héritière royale, mais elle n'avait jamais réalisé qu'elle l'était également en tant que simple habitante de la capitale. N'auraient-ils pas dû la détester pour cette injustice ? Les parents aussi souriaient en la voyant, ils ne montraient pas le moindre signe d'animosité alors que son jeune visage encore plein de vie était une preuve suffisante de la chance qu'elle avait eu depuis sa naissance.

Même si les pirates semblaient s'amuser de l'animation autour d'elle, Bernon choisit de la sauver de son embarras :

- Ils restent encore pleins de choses dans les sacs à balluchons, aller donc fouiller et laisser la respirer, dit-il aux enfants.

Hors la loi et bientôt ReineWhere stories live. Discover now