Chapitre 22 : La Reine

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La nouvelle reine se retourna et vit la foule terrifiée se lever et sortir de la salle en courant. Face à elle, le corps sanguinolant de Bernon était étalé sur les marches de l'autel.

Rothaïde hurla.

Elle se leva et se précipita vers l'homme qui venait de lui sauver la vie. Le sang ne cessait de couler de son torse et elle ne savait que faire pour arrêter l'hémorragie.

- Bernon ! Bernon !

Les sanglots devinrent rapidement incontrôlables. Elle saisit la main de son amant et la serra de toutes ses forces. Le jeune homme était à peine conscient. Comment était-il rentré dans le château ? Pourquoi avait-il décidé de sacrifier sa vie pour elle ? Les questions tambourinaient son esprit, Rothaïde était perdue dans la foule agitée et la peur de perdre celui qui comptait le plus à ses yeux.

Syncir s'approcha de sa souveraine et voulut l'éloigner de cette pièce si dangereuse pour elle. Mais elle ne voulut rien entendre, elle ne pouvait délaisser l'homme qu'elle aimait alors que leur amour le tuait à petit feu. Le garde ordonna alors aux chevaliers encore fidèles à la royauté de former un cercle autour de leur dirigeante.

Soudain, Rothaïde entendit son nom. Du moins, elle entendit le nom qu'elle avait donné aux pirates. Elle releva la tête et remarqua Luslyne qui ne pouvait se frayer un chemin à travers ses gardes. Elle hurla à Syncir de la laisser entrer et la doctoresse s'agenouilla enfin près de son capitaine.

- Je t'en supplie, sauve-le ! l'implora la noble. Il ne peut pas mourir, pas comme ça !

En tant que reine, elle n'aurait jamais dû implorer ainsi une hors la loi. Mais elle n'avait que faire des conventions. Bernon mourrait et elle ne supportait pas son impuissance.

Luslyne sortit la lame du torse du pirate et tenta d'arrêter les saignements.

- Parle-lui, imposa-t-elle à la souveraine.

Rothaïde s'empressa d'obéir et attrapa le visage de Bernon entre ses mains. Elle chercha à trouver ses mots mais que dire alors qu'elle venait peut-être de causer sa mort ? Le capitaine lui sourit et embrassa la paume de sa main avec toutes les forces qu'il lui restait.

- Reste immobile, s'empressa-t-elle alors d'ordonner. Ne bouge pas, ne parle pas. Luslyne s'occupe de toi, d'accord ? Ça va aller, elle va te sauver. Tu ne mourras pas, pas aujourd'hui.

La reine remarqua à peine la nouvelle tentative d'assassinat à son encontre, arrêtée à temps par ses gardes.

- Votre Majesté, refusez-vous le sacrement du comte ?! hurla Syncir alors qu'il assurait toujours la sécurité de la jeune femme.

Rothaïde ne comprit pas tout de suite ce dont parlait le garde. Elle était bien trop préoccupée par l'état de Bernon pour penser à cela. Mais le chevalier répéta sa question et elle réalisa qu'elle devait refuser le sacrement pour que son fidèle serviteur proclame l'ordre d'arrestation contre son époux.

- Je le refuse ! dit-elle.

Aussitôt, le garde lança l'offensive à l'encontre du Comte de Foulque qui s'était enfuit en voyant ses plans s'effondrer. Rothaïde regarda de nouveau Bernon et fût prise de panique en le voyant les yeux clos.

- Bernon ! Bernon !

Elle agita son visage et il parvint à entrouvrir les yeux une nouvelle fois. Le cœur de la nouvelle reine s'appaisa un instant seulement. Sa robe était tachée de sang et Luslyne ne cessait ses opérations sur le corps du jeune homme.

- Reste avec moi, d'accord ? Tu ne peux pas mourir, je te l'interdis !

- Est-ce... un ordre... Votre Majesté ? demanda-t-il enjôleur.

Elle ne put retenir un rire rapidement étouffé par un sanglot.

- Ne meurs pas, je t'en prie... l'implora-t-elle avec toute la sincérité qu'elle possédait.

Après ce qui lui parut être des heures, Luslyne annonça enfin qu'elle avait arrêté l'hémorragie et recousu le jeune homme. Les cris autour d'eux avaient cessé, tous les invités avaient quitté la salle de réception et seule les armures de ses gardes tintaient encore dans l'espace.

- Il va s'en sortir ? demanda Rothaïde.

- Il a été gravement blessé. Mais si sa fièvre ne monte pas et que sa blessure ne s'infecte pas non plus, il s'en remettra.

La reine hocha la tête avec vigueur.

- Il faut qu'il se repose, pouvons-nous l'amener quelque part ? demanda la doctoresse.

- Ma chambre, répondit directement la souveraine.

Elle regarda autour d'elle et mobilisa ses gardes :

- Amenez-moi un brancard.

L'un des chevaliers obtempéra et revint rapidement avec de quoi déplacer le pirate.

- Emmenez-le dans ma chambre, prenez grand soin de lui.

- Votre Majesté, il pourrait vous vouloir du mal.

Rothaïde fusilla l'homme du regard.

- Il m'a sauvée la vie. Emmenez-le dans ma chambre, c'est un ordre !

Elle se découvrait une autorité qu'elle n'avait jamais pensé posséder. Peut-être avait-elle les épaules d'être reine, finalement. Mais pour l'heure, elle ne souhaitait penser qu'à l'homme qu'elle aimait.

- Elle l'accompagne, ajouta-t-elle en pointant Luslyne du doigt. Personne d'autre ne peut s'approcher de lui sauf si elle en fait la demande, c'est bien clair ?

- A vos ordres, Votre Majesté.

Un second garde se détacha du cercle la protégeant et souleva le brancard sur lequel Bernon avait été installé. Alors que le blessé s'en allait aux côtés de deux chevaliers et de la doctoresse, Rothaïde imposa à ses fidèles défenseurs de l'emmener voir le pape. Le refus du sacrement devait être officiel.

...

Rothaïde veilla auprès de Bernon pendant de longues heures après l'attaque. Son état ne s'était pas aggravé, mais il n'avait plus ouvert les yeux depuis qu'il avait été amené dans la suite royale.

Désormais sacrée reine, Rothaïde avait ordonné que le Comte de Foulque soit recherché dans tout le royaume. Comme elle l'avait espéré, le conseil avait reconnu son autorité et se retirait de la gouvernance. Elle qui avait toujours haï la couronne se retrouvait désormais être la première femme au pouvoir de l'histoire de Centule. Elle honorerait son titre avec fierté et rétablirait la justice dans son royaume, comme son frère avait désiré le faire avant elle. Elle était faite pour cela. Elle ne l'avait pas toujours été, mais elle s'était battue pour sauver son peuple et elle comprenait, plus que jamais que sa place était sur le trône.

Mais les habitants de Centule étaient-ils prêts à accepter un renégat àses côtés ? Rothaïde n'en était pas sûre.

Elle y avait pensé, bien sûr. Libérée de l'union forcée que lui avait imposée son père, elle avait songé à un avenir avec Bernon. Depuis son retour, elle n'avait pas parcouru les lois maritales de Centule, pressée par le temps et la menace que représentait son ancien fiancé. Elle n'avait donc aucune idée de ce que son autorité royale lui permettait en matière de choix d'époux. Devait-elle marier un noble ou était-ce une convention dont elle pouvait s'abroger ? Que risquait-elle à imposer un pirate comme souverain ? Mais la question la plus importante qui restait encore en suspens ne concernait pas la politique centuliène : Bernon accepterait de tout quitter pour elle ?

Hors la loi et bientôt ReineTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon