Chapitre 8

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12h50. Le temps de midi avait sonné à la petite école de Perdido Beach et tous ses élèves étaient de ce fait réunis dans le vaste réfectoire. Ce dernier était composé d'un certain nombre de tables en acier permettant d'accueillir jusqu'à six personnes. Le self, tout au fond de la salle, laissait un aperçu de la grande cuisine attenante d'où s'échappait une agréable odeur de nourriture. Et, pour ne pas changer, un vacarme conséquent régnait sur la pièce. Les enfants, en ce milieu de journée, avaient toujours mille et un potins à échanger par-dessus leur plateau-repas.

Tressie se trouvait assise à une table près de l'une des fenêtres en compagnie de sa petite bande habituelle. Elle regardait avec désintérêt la portion de haricots dans son assiette, garnie de purée et de deux bâtonnets de tofu que la cuisinière prenait le soin de préparer exprès pour elle et deux autres adolescents suivant le même type de régime dépourvu de viande.

Malgré son ventre creux, les yeux de la jeune fille ne cessaient de guetter la porte battante donnant sur le corridor, avant de glisser furtivement vers Zill Sperry, assis deux tables plus loin avec ses quatre amis. Son attention était si prise par cette observation qu'elle en oubliait de manger.

– Peut-être que le directeur n'a pas pris ton mot au sérieux, prétexta Stessie, assise à sa droite. Après tout, ça aurait pu être une blague. Surtout en anonyme.

Mike et elle avaient été mis dans la confidence dès leur arrivée à l'école, une quinzaine de minutes après que le casier de Zill ait été refermé. Tressie parvint enfin à détacher son regard des portes pour le plonger dans celui de son amie.

– Non, non. Je suis sûre qu'il va me croire. Vous connaissez Honey. Il prend ces histoires de drogue très au sérieux. En plus, avec le scandale qui a éclaté cet été avec Yann Sperry, il sait très bien que son frère traîne potentiellement dans les mêmes embrouilles. Ça va prendre. Il faut juste... attendre.

L'adolescente avait été glisser un mot non signé sous la porte du directeur de l'établissement, Mr. Honey, un petit homme strict à la mine constamment pincée. S'il y en avait bien un qui menait une campagne antidrogue, antisexe, anti... tout, c'était lui. Il prenait le soin de garder à l'œil l'ensemble des enfants frôlant le sol de sa précieuse école tout en la dirigeant d'une main de fer.

D'habitude, ça agaçait profondément Tressie de toujours l'avoir sur le dos. Mais pour une fois, la psychorigidité de leur directeur allait se montrer utile. Du moins l'espérait-elle...

– Je vais ouvrir une fenêtre, je crève de chaud, annonça Mikey.

Aussitôt dit, aussitôt fait : après avoir vérifié qu'aucun surveillant ne furetait autour d'eux, il se mit debout sur sa chaise afin d'atteindre le loquet situé à deux mètres du sol.

– Perds pas ton temps mon pote, il y a les protections anti-fusillade, lui rappela Mike en l'attrapant par le bas de son t-shirt pour le forcer à se remettre à sa place.

– Ça me fait flipper ces mesures, leur avoua Tressie, regardant les grandes fenêtres avec inquiétude.

– Pourquoi ?

– Pourquoi ? Imagine deux secondes qu'un dingue entre dans l'école pour nous tirer dessus et qu'on soit bloqués dans cette cafétéria. Si Honey, un surveillant ou un prof n'est pas avec nous, on saura pas ouvrir. Même péter la fenêtre on pourrait pas vu, que c'est des blindées ! Je pense sincèrement que c'est pas une bonne chose.

Seuls les adultes travaillant dans l'établissement avaient en leur possession la clef spéciale permettant l'ouverture de ces fenêtres. En attestait la minuscule serrure de forme oblongue située sur le système de verrouillage des loquets.

Dusk [Gone T.0]Where stories live. Discover now