Recueil de Nouvelles

Même vingt ans plus tard, je serais là

Je suis entré au hasard dans cette librairie. Je ne cherchais rien de précis. J'avais juste envie d'un nouveau livre ou d'une nouvelle série à commencer, venant de finir la dernière. En plus, c'était l'anniversaire de ma nièce, elle fêtait ses neufs ans dans une semaine et je me disais qu'un livre pourrait lui faire plaisir.

Enfin, toujours est-il qu'en entrant, un livre attire mon attention. Il est certes posé en évidence, sur l'étagère en accord avec l'univers, comme pour beaucoup de livres récemment sortis. Mais c'est surtout le titre qui m'intrigue. "Sur le fil d'une lame" ça me rappelait le projet d'un ami que j'avais perdu de vue en première. Enfin, ce n'était pas exact mais qu'importe. Je regarde le nom de l'auteur, Tugdual Klervi...

J'esquisse un sourire, submergé par la nostalgie, c'est soit la plus grande coïncidence de l'histoire soit c'est effectivement lui. Dans ce cas, je n'ai jamais été aussi heureux d'être entré dans une librairie, de ma vie. En effet, c'était le nom d'auteur qu'il s'était choisi. Tugdual... C'était le prénom pour lequel ses parents avaient hésité.e.s avant de lui en donner un autre et c'était également le mien.

-...On peut dire que l'on est comme lié par ce prénom, dit-il en riant.

Il m'a dit ça la première fois qu'il m'avait parlé de ses histoires et de son nom de plume. On ne se connaissait pas encore vraiment à cette époque-là, on avait quatorze ans, j'étais juste un gars qui avait lu par hasard par dessus son épaule et trouvait son manuscrit plutôt cool.

-Je sais que je ne devrais pas lire par dessus l'épaule des gens mais, t'ont truc à l'air vraiment sympa et puis, t'as du talent, pour écrire...

-Merci, ça me me touche beaucoup. Mon rêve est de devenir auteur, un jour, et c'est pas du talent, c'est beaucoup de travail, m'a-t-il dit avec un grand sourire.

-C'est bien parti en tous cas ! Et si tu es un jour publié, je serais parmi les premiers à acheter ton livre, il y eu un instant de silence durant lequel j'ai un peu continué la lecture de la première où la surprise l'avait revenir avant que je ne demande, tu comptes publier sous ton vrai nom ?

Il rougit, visiblement touché par le compliment avant de répondre :

-C'est gentil à toi et non, probablement pas, je préférerais un nom de plume. Je compte garder mon vrai nom de famille, par contre ! J'avais pensé à Tugdual Klervi, qu'est-ce que tu en dis, ça sonne bien ?

-Wouah, tu veux dire, un écrivain qui porte mon prénom !? Évidemment que ça sonne bien !

-Oh, tu t'appelles Tugdual !? Mes parents ont manqué de me donner ce prénom et je l'ai toujours trouvé très cool. On peut dire que l'on est comme lié par ce prénom, j'imagine... Hum, moi c'est Léonce, au fait, dit-il en me faisant le plus grand des sourires avant de me tendre sa main.

Je la lui ai serré puis, j'ai commencé à lui demander des précisions sur son histoire et sur l'intrigue. Il m'a alors tout expliqué, en détail, avec une passion que seul l'écriture animait chez lui.

À partir de ce moment-là, nous sommes devenus de plus en plus proche. Pourtant, on ne fréquentait pas les mêmes groupes d'amis.e.s, on ne faisait même pas parti de la même classe. Mais on se retrouvait toujours ensemble, tous les deux, à parler d'écriture, puis de lecture et puis à un moment, de nos vies. Au fil du temps, nous sommes devenus confident de l'un et l'autre et notre amitié à perdurer au lycée, enfin, une partie. J'ai également eu le privilège d'être son premier lecteur test !

Quand j'émerge de la vague de souvenirs qui m'a submergé, je remarque que je tiens le livre, ma main caresse la couverture. C'est un poignard avec d'une part le visage d'un jeune homme, c'était soit Gleymet, soit Lirrel, et de l'autre celui d'une jeune fille, si c'était Léonce alors ça ne pouvait être que Líquì. Les deux regardent droit devant eux, l'air déterminé.