6. Stratégie

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Point de vue d'Émée

Léni partit rapidement après que je lui aie rendu son ornement, sans oublier de me remercier de nombreuses fois. Notre rencontre m'avait rendue confuse, comment lui faire confiance et l'écouter alors que l'on se connaissait à peine ? Pour autant que j'en sache, il pouvait être exactement comme Alexandre et essayer de prendre avantage de mon pouvoir.

J'avais aussi peur de ce qu'il avait dit à propos des connections d'Alexandre dans l'Alderia. Était-ce seulement encore sûr de parler à Vani ? Peut-être que ses conseillers étaient des espions pour lui ! Cela expliquerait pourquoi tant de personnes dans l'Alderia connaissaient mon don alors que je n'en avais guéri que quelques unes d'entre elles.

Aussi, je n'avais jamais été tant intimidée devant un homme auparavant. La manière dont il me regardait faisait rougir mes joues comme jamais, même s'il ne semblait même pas le remarquer. Son indifférence me rendait perplexe. Je ne savais pas si je lui avais décroché un véritable sourire ou si ce n'était que par pitié. Ce fait me rendait quelque peu triste, c'était stupide, je ne le connaissais pas, pourquoi vouloir lui plaire ? Pourquoi vouloir le revoir au plus vite ? Et pourquoi n'étais-je pas plus préoccupée par le Démon qui était après moi plutôt que par son sourire ?

Tout était très confus... Peut-être était-il déjà marié à une Héroïne ? Je n'avais pas beaucoup confiance en moi et je pouvais facilement imaginer qu'une fille comme moi ne mérite même pas un deuxième regard comparé à une Héroïne.

J'avais aussi peur, même si mon instinct me disait de faire confiance à Léni, mon cerveau me disait que c'était une mauvaise idée, que mon coeur ne savait pas ce qu'il voulait et que la situation dans laquelle j'étais était dangereuse. Je ne savais plus qui croire.

Peut-être était-ce son plan depuis le début ? Me sauver afin d'être vu comme le brave et juste Héros, puis revenir vers moi et me demander de rester chez moi afin de faire ce qu'il voulait de mon pouvoir en privé. Je rougis à cette pensée, ce n'est PAS attrayant, Émée !

Mais tout de même... Et si, plus sérieusement, il avait un plan similaire ? Et si Alexandre n'était qu'un acteur dans tout cela et Léni avait monté de toutes pièces une histoire folle pour masquer ses réelles intentions ? Je ne pouvais pas rester à la maison dans ce cas ! Il savait où je vivais et était au courant que j'étais patiemment en train de l'attendre comme la naïve Ange que j'étais !

J'y réfléchis. Si je partais, Léni et Alexandre ne sauraient pas où je suis alors les deux sources de mon trouble seraient loin. Une fois qu'ils arrêteraient de me chercher, j'irais rejoindre Vani et lui dirais toute l'histoire. Il fallait que je m'éloigne des territoires et ne fasse qu'une avec la forêt. Le seul endroit que je connaissais était ma vieille cabane dans les bois.

Si je voulais l'atteindre à temps, il fallait que je commence à faire mes bagages maintenant et je ne pouvais pas prendre beaucoup de choses ou je n'irais pas bien loin. Les essentiels étaient les habits et de la nourriture comme il n'y avait quasiment rien autour de la cabane et que je pouvais pas beaucoup sortir.

Je pris un large sac et le fourrai rapidement avec des robes blanches, des serviettes, des draps de lit, du savon et toutes les choses dont j'avais absolument besoin. Je m'arrêtai soudainement. Et si j'étais simplement parano ? Et d'où venaient toutes ces questions qui me torturaient l'esprit ! Il semblait que j'étais incapable de prendre une décision sans avoir peur des conséquences. Je me sentais tellement triste à l'idée de partir, qu'en serait-il de ma vie d'avant ? J'avais peur de sauter dans l'inconnu sans vraiment savoir si c'était la bonne chose à faire ou pas.

Quelque chose d'encore plus terrible fit resserrer mon cœur douloureusement : qui me manquerait ? Je n'avais aucun ami à prévenir, aucun amant à qui parler, personne à qui confier mes inquiétudes. La personne avec qui j'étais la plus proche était Mère Vani mais elle était la Mère de tous les Anges, je n'étais pas un tant soit peu unique à ses yeux.

Je regardai ma maison, elle criait la solitude. Si Léni avait effectivement eu un tout petit peu d'intérêt pourmoi, j'étais persuadée que ma maison l'aurait fait fuir pour de bon. Je n'avais aucune décoration, très peu d'objets personnels et puisque les Anges n'étaient pas des créatures matérielles, c'était vide comme jamais. Et s'ils pensaient que j'étais allée rejoindre les étoiles et y installaient un autre Ange ?

Je secouai ma tête. Je ne pouvais pas me permettre de penser de la sorte, la peur ne devait pas dominer mes émotions et me faire oublier la rationalité. Je n'étais ni courageuse ni intelligente mais je pouvais au moins essayer de prendre de bonnes décisions.

Il fallait que j'aille au marché acheter de la nourriture, ce que j'avais ne serait pas suffisant pour le voyage, je ne savais même pas combien de temps il durerait.

J'enfilai une veste fine couleur crème et me rendis à la place du marché qui était heureusement proche de chez moi.  Cela me prit quelques minutes pour m'y rendre, je gardai ma tête basse parce que je ne voulais pas que l'on me pose de questions, pas que les gens en aient quelque chose à faire de moi de toute façon.

Pour une fois, je ne me dirigeai pas vers le stand de Paul. Cet homme était très gentil mais je savais qu'il poserait beaucoup de questions et puisque j'étais incapable de mentir, je finirais sûrement par lui dire la vérité ce qui mettrait en l'air ma couverture. Je ne pouvais même pas lui acheter quoique ce soit, je devais privilégier la nourriture sèche puisque je ne pouvais pas transporter beaucoup de choses.

De loin, je vis une femme vendant des graines et des céréales. Elle avait l'air d'être une Ange avec son tee-shirt et sa jupe blancs et servait deux Héros que je connaissais un peu trop bien : Basile et Vico. Malgré leur présence, je m'approchai du stand. Les deux hommes se retournèrent pour partir et les visages s'éclairèrent en me reconnaissant. Basile et Vico n'étaient pas méchants, ils aiment juste me taquiner un peu beaucoup parfois, spécialement depuis qu'ils étaient au courant pour mon don, ils prétendaient tout le temps d'avoir besoin d'un baiser parce qu'ils avaient brûlé leur langue.

"Émée, la plus douce des douces !" S'exclama Vico.

"Emée, la plus belle créature de l'Alderia !" Compléta Basile.

J'étais en quelque sorte pressée donc je décidai de ne pas être trop longue et les ignorai. De plus, je l'avais déjà fait plusieurs fois, alors ne me sentais pas aussi mal qu'avant. Ils avaient changé au cours du temps, Basile était un homme blond jouflu et était devenu plus costaud, en particulier comparé à Vico qui était beaucoup plus mince et dont les traits du visages étaient plus fins.

"Bonjour, messieurs." Répondis-je simplement. Je pouvais déjà sentir les regards de la population féminine de la place du marché, beaucoup de regards noirs m'étaient envoyés car j'attirai l'attention, même si ce n'était pas quelque chose dont j'étais fière, spécialement quand ça venait de ces deux-là.

"Comment vas-tu depuis le temps, splendide Ange ? Cette robe est fantastique sur toi !" Demanda Vico.

Leurs compliments ne manquaient jamais de m'impressionner et leur créativité étaient sans limite.

"Je vais bien, merci. Je suis vraiment désolée mais je suis assez pressée là, je vous verrai plus tard."

"Ce n'est qu'un au revoir, bella !"

Je me mis en chemin vers le stand, il était très tard et il allait fermer. Je demandais à la femme tout ce dont j'aurais besoin et la remerciai une fois que j'en avais fini de mes courses. Comme toujours, le petit cirque des deux Héros m'avait coûté d'être dévisagée pendant toute la durée de mon trajet à la maison. Ce n'était pas bien vu de flirter avec ceux qui décidaient de l'équilibre dans l'Alderia.

Alors que je retournai chez moi, la vague de tristesse me frappa de nouveau. C'était ma dernière soirée ici. Je finis d'empaqueter mes affaires et allai au lit après cette longue journée. Tellement de choses étaient arrivées aujourd'hui et le pire était encore à venir.

Une chose me dérangeait encore. Je ne pouvais pas me résoudre à partir sans prévenir Léni, même si je ne lui faisais pas complètement confiance. Quelque chose dans mes tripes me disait de le faire mais je devais quand même partir. Cependant, je ne pouvais pas partir sans dire un mot et juste au cas où il était quelqu'un de bien, je voulais qu'il sache que j'étais partie pour une bonne raison, pour me protéger comme il me l'avait demandé.

Donc je lui écris une lettre, en lui demandant de rester loin de moi.

Ange & Héros - Version FrançaiseWhere stories live. Discover now