LXXI

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J'écarquille les yeux alors que, la porte ouverte, ma mère me pousse gentiment pour entrer dans l'appart avec mon père. Ce n'était pas du tout prévu et il y a un bordel monstre dans la cuisine, qu'elle remarque immédiatement. 

- Tu es conscient que tu n'es pas un cochon ?

- Groin, groin. 

Elle hausse un sourcil alors que je la décale pour ranger vite fait le bazar qui traine. Mon père fouille dans le frigo et en sort du jus d'orange tandis que ma mère prend trois verres, l'air de rien. Je les suis du regard, il y a quelque chose qui cloche. Installés à table, je les rejoins une fois que mon évier ne déborde plus et je fronce les sourcils face au sourire de ma mère. 

- Vous auriez pu me prévenir. 

- Pour quoi faire ? Il n'y a aucun risque qu'on tombe sur une fille nue dans ton lit. 

J'en perds carrément mes mots. Mon père étouffe un rire derrière son verre et ma mère sourit de plus belle, contente de son effet. Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce qu'elle insinue.

- Qu'est-ce que tu en sais ?

- On n'est pas aveugle. Mais tu as raison, ce n'est pas à nous de commencer cette discussion. 

Je fronce les sourcils en dévisageant ma mère. A côté d'elle, mon père hoche vigoureusement la tête puis ils changent totalement de sujet et me questionnent sur les cours et les partiels qui arrivent. Mais je ne suis plus avec eux mentalement, je parviens juste à baragouiner des réponses hasardeuses. 

Jusqu'à ce que l'écran de mon portable s'illumine sur la table, la photo de Kris et moi en premier plan. Et je percute enfin ce qu'elle souhaitait dire. Mon père nous a vu, il m'a demandé si on était enfin ensemble. Je n'ai jamais répondu à sa question, je n'ai jamais officialisé les choses. 

- Papa, maman...

Ils s'arrêtent de rire et me regardent, attendris. Je ne sais pas s'ils ont toujours su, s'ils s'attendaient à ce que Kris m'avoue ses sentiments. S'ils savaient que j'en tomberai aussi amoureux. De toute façon, c'est le cas et je dois leur dire.

- Je l'aime. 

- La fille nue qui n'existe pas ? 

- Sois sérieuse maman ! Je vous parle de... Kris. 

- Encore heureux que tu l'aimes ! C'est ton meilleur ami. 

Ma mère rit quand je roule des yeux. Puis je me lance, parce que mon père me sourit avec toute la bienveillance dont il peut faire preuve. Il ne m'a jamais jugé, il a constamment été derrière moi. Alors je peux le faire. 

- C'est plus que ça. 

- Ah oui ? 

- Je suis tombé amoureux de lui, maman. On sort ensemble...

- Et ça me rend vraiment heureuse pour vous, que tu nous le dises. 

Elle tend la main et la pose sur la mienne en enroulant mes doigts des siens. Elle resplendit de bonheur, ce qui confirme qu'elle savait, mon père m'embrasse le front, fier, et je me sens tellement plus léger. Kris mérite d'être présenté à mes parents comme ma moitié, l'homme que j'aime, celui avec qui je veux construire ma vie. 

Il n'est plus mon meilleur ami : il est mon petit-ami et je le crierai sur tous les toits.

Instants fugacesOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz