Instants fugaces

XXXI

Posé sur une chaise, j'attends. Depuis trois heures. Je n'arrive pas à réfléchir, à parler. Tout a été si vite. Personne n'a eu le temps de comprendre. Le mec était là, au milieu, puis la seconde d'après, il était au sol alors qu'une balle venait d'être tirée. Le brouhaha, les gens qui courent, mon coeur qui sombre, le temps qui revient nous fouetter. J'aurai pu être agressé, si un flic ne venait pas de tirer une dose de sédatif sur ce fou enfui d'un asile.

Ma vie aurait pu prendre une autre tournure. Ou pas. Je ne le saurai jamais.

- Chad !

L'instant d'après, mes parents me tiennent contre eux. Les flics nous ont fait appeler des gens de confiance et nous ont gardé sous surveillance, le temps qu'ils arrivent. Ma mère sèche ses larmes avant de me rependre contre elle. Je la rassure comme je peux. Parce que même si on a eu peur, rien n'est arrivé. Il faut juste le réaliser.

Et je le réalise quand une main glisse dans mes cheveux, que mon regard capte le sien, que les doigts glissent dans ma nuque et que je me retrouve entre les bras de Kris, mon visage contre le creux de son cou.

- Putain, j'étais terrifié quand tes parents m'ont appelé.

Ses mots viennent alors percuter mon coeur. Et j'explose, contre lui. Le vide que je ressentais éclate et les larmes apparaissent alors que je perds pied. Mes doigts, accrochés à son haut, me font mal mais je n'arrive pas à me calmer. Tout remonte. La terreur, la folie de l'instant, le fait de comprendre, de prendre conscience. Il avait une arme.

- Merde, Kris, c'était...

Je ne peux pas. Et il le comprend. Son étreinte se resserre, je me laisse aller contre lui parce qu'il me murmure qu'il me protège. Qu'il est là.

Et qu'il me promet de ne plus me quitter.