Chapitre 4

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Mon père est plus énergique ce matin qu'hier. Il ne réagit pas au fait que je sois là de nouveau, mais me parle un peu. Rien de bien cohérent mais c'est agréable d'entendre sa voix. Je relance simplement la conversation et je le laisse parler. Il y a longtemps que je n'essaye plus d'en tirer quelque chose. Je me contente de l'écouter et de profiter de la musique de sa voix. Je finis par l'embrasser sur la joue et lui redit que je pars pour quelques jours.

_ mais tu viens demain alors ?

_non pas demain, la semaine prochaine papa

_d'accord, à demain.

_Ok, à demain papa.

_Au revoir Madame.

A partir de là, je veux dire, le mieux reste de lâcher-prise. De toute façon, je suis déjà tournée de notre départ imminent. Mon esprit déjà volatile à la base, est bien peu concentré sur le moment présent.

Je rejoins le parking de l'EHPAD. Pour la peine j'ai sorti la vieille voiture du garage. C'est une vieille Renault 19 Chamade que je n'utilise plus que pour les grandes occasions. Je crois qu'elle n'est même plus assurée pour rouler.
Adrien l'a bricolé il y a quelques mois, une vidange ou un truc comme ça m'a-t-il dit. Voilà le genre de truc qu'il faisait pour moi. J'aurai probablement du y voir un signe. Moi j'ai pris ça pour acquis, ça ne m'engageait à rien.
À peine si ça m'obligeait à l'inviter dans mon lit le soir.

Je m'adosse à la carrosserie et sors mon portable pour vérifier les messages que j'ai reçu quand j'étais dans la chambre. Ce sont les filles, pour finaliser les préparatifs j'imagine. Surement Hafsa, pragmatique et censée, c'est notre atout bon sens. On compte sur elle pour penser à prendre les torchons et les filtres à café pour le Air BnB.

Aurélie aussi pimpante qu'elle est délurée, c'est notre archétype de télé-réalité. Alors j'imagine qu'on peut compter sur elle pour des produits de beauté dont j'ignore avoir besoin.

Moi, l'éternelle adolescente... et bien je fournis le moyen de transport, c'est déjà pas mal. Et j'ai avancé les frais de la location aussi.

Je tombe des nues. La teneur des messages est bien loin des préoccupations de torchons et shampoings. Je lis puis relis pour bien comprendre de quoi il s'agit.

Hafsa s'excuse platement : ses congés ne sont pas validés. Elle nous laisse en plan.
Aurélie, elle, répond par un message de 700 caractères que je dois relire cinq fois. Une histoire de rendez-vous avec les gamins de sa sœur. Je finis par comprendre qu'elle ne vient pas non plus.

Je suis toute seule, avec une location pour 10j à 900km d'ici sur les bras.

Je reste sans voix. Toujours adossée à la voiture sur le parking de l'EHPAD, les gens doivent penser que ma grand-mère est morte.

Ma première réaction, quand enfin je réagis, est de chercher à annuler. Je monte dans la voiture, claque la porte et cherche à me connecter au site de réservation. Il doit bien y avoir une clause d'annulation pour copines faillibles. Ou plan foireux décidé sur un coup de tête après une demande en mariage. Un truc du style.

Je m'acharne mais c'est sans compter que je ne vois pas l'intérêt d'avoir un accès internet sur mon téléphone. Sauf que là, la 3G ne suffit pas. Je pose -violement- mon front sur le volant. Aïe.

Je sursaute quand une main frappe à la vitre. Je descends la vitre. Avec la manivelle, oui.

_Ça va Mademoiselle ? Vous êtes en panne ?

_Heu non, enfin je ne crois pas.

Il ne manquerait plus que ça franchement. Pour faire bonne figure, j'enfonce la pédale d'embrayage et tourne la clef. Heureusement pour mon égo, la voiture démarre immédiatement. Pas même une hésitation. Adrien a fait du bon boulot. Peut-être que la solution à tout, est de l'épouser. Non je déconne.

Plan BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant