Chapitre 12

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Je passe la journée du lendemain à me demander si qui s'est passé. Et je mentirais si cette question n'avait pas occupée aussi une partie de ma nuit.

Finalement, je n'ai pas rêvé la tension entre nous, la caresse de ses yeux sur moi. Je n'ai pas fantasmé l'électricité qui nous a parcouru.

Ces pensées parasitent ma journée, mais ne me permettent pas d'échapper au dur retour de la réalité.

Adrien est en colère. Il a passé la phase de déni et d'apitoiement. Et semble être cette fois dans celle de la rage. Et au vu du message dans mon téléphone, on est dans le dur. Le sms ne laisse pas beaucoup de doute sur son état d'esprit :

"Je suis qui moi ? Je passe pour quoi ? T'es une merde Léo, je ne suis personne pour toi."

Je dois éloigner le combiné de mon oreille à l'écoute du message vocal sans équivoque. Message laissé à trois heures du matin, ce qui, en soit, donne déjà une indication. Son élocution ralentie, et les rafales de vent achèvent d'indiquer le contexte.

« Léo, Léo, putain... t'as passé ton temps à te foutre de ma gueule ! Quand tu m'invites chez toi, à peine arrivés, tu attends que je me casse. Et là tu me dis quoi, s'te plait, tu me dis quoi ? ça va pas être possible ?! mais tu t'es pris pour un videur ou quoi ? Je veux entrer dans une soirée en boîte de merde Léo. Je t'ai demandé si.. je t'ai demandé... Je t'ai rien demandé du tout en vrai. Laisse tomber tu sais quoi. Oublie tout, j'ai jamais rien demandé et j'ai jamais rien voulu. Reste bien tranquille en VSD, comme ça on se croise même plus à l'usine. Voilà, oubli. »

La claque. Mais, de manière surprenante, mon cynisme atteint ses limites. Je me sens empathique avec lui. Je ne veux pas l'accabler. Je me fustige de ne pas avoir su dire non. À la minute où il s'est assis sur mon lit avec son blaireau débile à la main, c'était à mon tour d'assumer. Je ne l'ai pas fait. Et mes tords remonte à longtemps avant cela, si je me montre honnête. Depuis des mois, je me suis laissée aller à une relation sanitaire et confortable. Alors que la relation en soi ne m'intéressait pas. J'ai été égoïste. Je lui ai menti, autant que je me suis fermée les yeux, pour le confort. Pour vaincre la solitude.

Cette solitude crasse qui accompagne mes pas tous les jours depuis des années. Depuis l'entrée en Ehpad de mon père. Depuis les premiers symptômes de sa maladie avant ça. Depuis le départ de ma mère quand j'avais cinq, probablement. Je vis avec la solitude, je m'en drape, j'en fait mon armure et je la revendique. Je suis solitaire, indépendante.

Isolée. Esseulée.

J'ai blessé un ami. Et je me déçois. Evidemment que je ne veux pas me marier avec lui. Je ne veux me marier avec personne. Signer un papier, affirmer publiquement que l'amour dure toujours, c'est au mieux être naïf, au pire stupide.

Mais la colère d'Adrien me dégoute de mon attitude. Il a raison, qui est-il ? Il n'est personne. Je l'ai considéré comme personne. Comme un moins que rien.

Ces pensées m'accompagnent et la lourdeur dans mon estomac n'a rien à voir avec le petit salto crée par la promesse murmurée de Marin.

Mes doigts glissent dans les poils mi longs du chien. Je n'ai pas réagi quand Marin est parti, mon esprit anesthésié par les paroles glissées à mon oreille, me laissant l'animal sans autre forme de procès. Je n'ai rien contre les chiens, toujours pas, mais j'ai largement mon lot de responsabilités.

Je prends donc comme une trahison personnelle la décision de mes pieds de bifurquer au rayon croquettes de la superette plutôt que de se diriger comme prévu chez le vétérinaire pour la rendre. Je suis faible. Mais les salops qui l'ont laissé sur cette plage à marée montante ne la méritent pas. Et puis je ne la retiens pas, elle part quand elle veut. Ça n'est pas de ma faute si elle choisit de me suivre comme mon ombre.

Plan BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant