Chapitre 10

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-Maintenant, on va faire un tour.

Le vent dans le dos, j'ai dû remettre mes cheveux à l'abris sous ma capuche. On s'enfonce dans la nuit en direction de la plage.
Je suis déçue. Je ne devrais pas, mais si, clairement. Il avait à sa disposition un tas d'autres réponses possibles. Et je n'aurais pas dit non. Le premier qui dit salope, je lui casse les dents. Est-ce que j'ai rêvé la tension qui s'est créé pendant que je jouais ? D'ordinaire le jazz ne me fait pas autant d'effet.

La plage apparait, immense. La mer s'est retirée au loin, sous l'effet de la lune. Je ralentis, contrainte par le sable meuble sous mes pieds, et Marin se cale sur mon rythme.

La conversation reprend sur la journée de la veille. Marin me parle de son amitié avec Aymeric, de la création du Ponton, de sa fierté de fournir des huitres à son ami. Dis comme ça, on dirait qu'il est prolixe mais pas du tout. Il choisit ses mots avec soin. En peu de phrases, il dépeint précisément son propos.

Je suis assez admirative. Moi je parle peu, et personne ne connait rien, lui il parle peu, mais quand il s'ouvre on comprend tout.

-C'était ton rêve, ostréiculteur ?

-J'ai eu du mal à définir ce dont je rêvais, c'est une longue histoire. Mais, j'ai toujours aimé le Bassin, le travail sur les bateaux et sur les tables. Déjà gamin, quand je voyais mon père. Alors oui, on peut dire que je fais ce que j'aime.

-C'est l'entreprise familiale ?

-Oui, Michel, le mari de Blandine et mon père l'ont repris à un grand-père. Ils en étaient très fiers.

-Et tu l'es toujours.

-oui.

Il hausse les épaules, et son acquiescement perd tout ce qui pourrait le rendre vaniteux, pour sonner juste et sincère. La fierté. Un sentiment dont je ne connais rien. Ça me dépasse complètement.

Il me parle de son travail, de son territoire, de ses journées, de son frère. Et c'est émouvant. Je serais bien incapable de parler de mes journées avec douceur et bienveillance de cette manière. Je pourrais parler du Gros Gérard et de ses mains au cul, ou de Mme Bissap qui gueule sur ses gamins, mais verrait-il que derrière ces descriptions crus, il y a de l'attachement? Que je les aime ces gens, au moins un peu. Serais-je jamais capable de mettre en mots la douceur de mon regard sur les défauts de ce qui m'entoure ?

Je me concentre de nouveau sur l'instant présent quand je sens Marin accélérer à côté de moi. Il presse le pas et se dirige résolument vers l'eau. Même si la plage est immense, la marée est ascendante et se rapproche de nous petit à petit. Je regarde les grandes traces de pas dans le sable sans comprendre le soudain empressement de Marin.  A moins que je sois passée à côté d'un penchant suicidaire, il n'y a aucune raison qu'il se jette à la mer tout à coup.

- Tu fais quoi ?

Avec le vent et le bruit du ressac, ma voix ne porte pas assez loin pour qu'il m'entende. Il va finir par m'obliger à courir.

- Viens voir !

Il s'est à peine retourné pour m'interpeller et voilà qu'il court. Je ne comprends rien mais me mets finalement à trottiner alertée par le ton de sa voix.

Il grimpe sur des rochers, enjambe des trous d'eau. Je le suis tant bien que mal, mes docs s'enfoncent dans le sable gorgé d'eau et l'obscurité transforme le paysage en parcours d'obstacles. Je glisse sur une algue vaseuse et jure entre mes dents. Marin se retourne et me tend une main, bienvenue, pour me stabiliser. Je glisse ma paume contre la sienne. Le spasme au creux de mon ventre me prends au dépourvue. La honte de ma réaction m'emplie immédiatement et teinte mes joues d'une chaleur malvenue. Heureusement, le ridicule ne tue pas et, plus important encore, Marin est concentré sur l'origine de son action suicidaire et ne remarque pas tous les atermoiements qui m'habitent. 

Empathique à la tension du moment, je chuchote.

 - Qu'est ce qui se passe ? T'as prévu de me noyer ?

- J'ai entendu un truc. Viens.

Comme il tient toujours ma main, je n'ai de toute façon pas beaucoup le choix. Une dizaine de mètres plus loin, un glapissement nous surprend. Onse précipite vers le bruit. L'océan est à nos pieds, léchant nos semelles. 

-tu as de la lumière  ?

Je fouille à la recherche de mon téléphone, retourne mes poches sans succès. 

- Non, putain. je l'ai laissé à l'appart. 

Ma bouche est sèche et mon cœur palpite. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, mais la tension du moment me gagne. Marin se hisse sur un rocher deux fois plus grands que les autres et disparait de l'autre côté.

-Marin, tu fais quoi ?!

Je me giflerai demain pour la nuance d'inquiétude qui transpire dans ma phrase.

- Vient, Léo, ça craint rien.

Sa voix est calme et il ne chuchote plus, et le soulagement que son timbre de voix m'apporte devrait m'alarmer. A la place, je me hisse à mon tour sur le rocher, qui d'un coup ne m'apparait plus aussi inquiétant, et me glisse aux côtés de Marin, une main sur son épaule pendant qu'il me tient par le bras. J'atterris les pieds dans l'eau. Tanpis pour mes Docs à priori.

- Regarde le.

Dans le renfoncement du rocher, je distingue un chien prostré, craintif,  et manifestement attaché.

- Mais enfin ! 

- ouais, comme tu dis.

Marin s'approche doucement, s'accroupie et tend la main. Le chien ne bouge pas, craintif. Il se met à lui parler tout doucement et je m'accroupie à côté, les fesses dans l'eau. Tant pis pour mon Levis.

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Vous etes toujours là ? 

Qu'avez vous pensez de ce chapitre ? Vous vous attendiez à quoi ?

à bientot pour la suite j'espère :-)

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Plan BWhere stories live. Discover now