Chapitre 11

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La nuit est largement tombée et on ne voit quasiment plus rien. La pression qui était retombée avec la découverte du chien est revenue de plus belle. Je caresse, flatte le chien pendant que Marin s'escrime sur le nœud de la corde coincée sous le rocher.

-Sans déconner, j'y arrive pas. Il ne va quand même pas crever ici.

L'eau nous arrive désormais aux genoux et balaye les côtes du chien.

- Tu vas y arriver.

Je n'ai aucune idée d'où me sort ces paroles d'encouragement. Je donne plutôt dans le cynisme habituellement. Peut-être de sentir Marin sur le point de perdre ses moyens. Il tire de toutes ses forces. Je vois ses épaules se tendre sous sa chemise. ça pourrait m'émoustiller si je n'étais pas aussi inquiète pour ce chien.

Je ne suis pas spécialement l'amie des bêtes. Je ne me baisse pas flatter tous les caniches que je croise, je ne transporte pas de miettes pour les oiseaux dans mes poches, ni ne laisse de coupelle de lait sur le pas de porte pour les chats errants. Carrément pas même. Mais, sous mon pull vintage se cache un petit cœur attendri. Le chien grelotte et s'agite. La corde enroulée autour de son cou file sous l'énorme rocher où elle est coincée. L'effet cumulé de l'eau et de l'agitation du prisonnier ont rendu les nœuds aussi dur que du bois.

- Léo essaie toi, je perds patience.

Ses gestes sont trop rapides, trop brusques pour être efficaces. Il se passe la main sur le visage avant de se déplacer pour me laisser m'approcher. Je frôle son torse massif et ne me laisse pas déconcentrer. A peine si je m'en aperçois. Mes doigts trouvent le nœud seuls, vu que mes yeux refusent de faire leur boulot à la lueur sommaire de la lune.  Je tente mille fois de défaire dans un sens puis dans l'autre. Des fibres de chanvre se logent dans mes phalanges frigorifiées par la mer et le vent, je soupire et suis à deux doigts de baisser les bras quand un infime mouvement me redonne espoir. 

-Putain ça bouge ! 

Marin se rapproche, raffermie sa prise sur le chien pour éviter que les mouvements de ce dernier ne raidissent à nouveau le peu de "lâche" que j'ai gagné. Quelques minutes plus tard, je parviens à étirer suffisamment l'espace pour que Marin dirige la tête du chien à travers la corde. Il lui maintien fermement le museau et réussi à le libérer. Un soupir de soulagement m'échappe au moment où Marin grommelle un juron.

-Viens, il faut le réchauffer.

Il soulève le chien dans ses bras puissants, le colle contre lui et attrape mon poignet de sa main libre. 

-Toi aussi, il faut te réchauffer.

Emmitouflée dans un plaid, un pantalon et un t-shirt sec, je regarde Marin jouer du sèche-cheveux. Le chien n'exprime que moyennement son consentement, mais les jambes musclées du marin ne risquent pas de le laisser partir avant qu'il soit sec et tiré d'affaire. 

Le manteau vert de Marin repose sur une chaise du petit Air Bnb, et je m'abime dans la contemplation de la petite flaque qui se forme, goutte à goutte, au pied de la chaise.

Qu'est ce que je viens bien pouvoir faire de l'attirance que j'éprouve pour ce mec? Il n'a visiblement pas saisi les perches ( les poutres ?) que je lui ai lancées. Ou alors il n'en a tout simplement pas envie. Il suffirait que je jette un coup d'oeil à mon téléphone, à cet instant pour que les 17 messages d'Hafsa, Aurélie et Adrien cumulés me ramènent à la réalité. Ma réalité. Mais je n'ai ni la force physique de me trainer jusqu'à la table de chevet sur laquelle mon portable charge depuis la fin d'après-midi. Et surtout j'ai envie de profiter encore pour quelques heures de ce faux sentiment d'être libre de toutes obligations. M'enterrer dans l'illusion d'avoir laisser toutes mes embrouilles et mes galères à 600km de là.

Plan BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant