⚜ Chapitre 61 : Champs de bataille ⚜

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 Aux alentours d'Éparcie, mois d'octobre

Céleste

Je n'envoyai Élodie chercher les mousquetaires que quelques heures après le lever de soleil. J'étais assise sur le lit d'Athos, et celui-ci était à côté de moi. J'avais beau être exténuée, j'étais heureuse d'avoir le capitaine sauf à mes côtés.

- Il est encore très affaibli, entendîmes-nous Élodie dire aux mousquetaires.

Aussitôt des pas retentirent dans la maison, et nos trois amis surgirent par la porte. Aramis eut un sourire soulagé, et s'assit de l'autre côté d'Athos.

- Capitaine, sourit Porthos en s'agenouillant à sa hauteur.

Athos le prit tendrement par la nuque, et ils se firent une amicale accolade. D'Artagnan fit de même, avec également un sourire aux lèvres.

- Tu as fait des cauchemars, lui appris-je. Tu as rêvé de Grimaud.

Le capitaine hocha faiblement la tête.

- Thérèse m'a appris ce qui était arrivé à la mère de Grimaud et à son fils, nous fit Athos. Grimaud serait le fruit du viol de sa mère par des soldats de passages. Alors qu'elle n'était qu'enfant. Alors sa mère aurait essayé de le noyer. Thérèse l'a sauvé et élevé. Elle nous a dupé, elle nous a retenu ici afin qu'il puisse s'enfuir. Il est peut-être en Lorraine à l'heure qu'il est.

Nous échangeâmes des regards inquiets, et Aramis se releva en tapotant l'épaule du capitaine.

- Ah, et au fait, tu as aussi rêvé de Sylvie, laissa-t-il échapper, taquin.

Sur ce, nous eûmes des petits rires, et Athos se leva pour sortir. Nous le suivîmes en souriant légèrement et en veillant sur ses pas. Une fois que nous fûmes dehors, je laissai discrètement Athos avec ses amis, et me dirigeai vers l'extérieur du village, où se trouvait un peu en retrait la maison de Juliette. La nuit dernière, elle avait été sur le point de m'ouvrir son cœur. Nous n'allions pas repartir sans la vérité.

Je la trouvai en train de se faire la toilette de son village, dans sa maison au creux d'une grotte. Je me raclai la gorge pour signaler ma présence, et elle se tourna vers moi d'un bond, surprise.

- Que voulez-vous ? demanda-t-elle.

- Athos nous a raconté ce qui était arrivé à Grimaud... Et à sa mère, dis-je doucement.

La femme fronça les sourcils, puis alla étendre quelques draps non loin.

- C'était vous, n'est-ce pas ? finis-je par dire. Celle que vous dîtes être votre amie, sûrement morte. C'était bien vous ?

Elle me regarda avec ses grands yeux sombres, par où perçait tout son malheur, toutes ses blessures. Cette femme si forte... Ce qui était arrivé aurait dû la briser. Mais elle semblait y avoir puisé force et courage pour continuer à vivre.

- Je suppose qu'inventer cette histoire vous permet de mieux supporter ces souvenirs... continuai-je en avançant lentement vers elle.

Elle posa une main sur sa hanche et leva les yeux au ciel, ce qui n'empêcha pourtant pas ses larmes de couler. Elle porta son autre main à ses yeux, et les essuya rapidement.

- J'avais à peine quinze printemps... murmura-t-elle, et sa voix se brisa. J'ai essayé de le noyer... Mais apparemment, je n'ai pas réussi. Ça vous aurait pourtant évité quelques tourments... Je me suis forcé pendant des années à oublier ce qui c'était passé. C'est comme si s'était arrivé à une autre.

Et alors qu'elle sentait ses larmes affluer, elle lâcha ses draps et me passa à côté pour fuir dans la forêt. Mais alors qu'elle venait de me dépasser, un homme surgit des fourrés et l'attrapa, posant vivement un mousquet sur sa tempe sans que je ne puisse rien faire, lui arrachant un cri surpris. Je dégainai aussitôt mon arbalète, mais tout autour de nous des hommes nous encerclèrent, mousquets pointés sur Juliette et moi. Je levai lentement les mains au ciel en analysant leur nombres : ils étaient bien une vingtaine.

Le retour de l'Espionne - Livre IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant