⚜ Chapitre 63 : Reine de Cœur ⚜

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 Paris, mois d'octobre

Anne

La reine de France Anne d'Autriche était songeusement assise sur un siège de sa chambre, une Bible fermée sur ses genoux. Malgré toute sa bonne volonté, elle ne parvenait pas à ouvrir le livre pour se plonger dans sa lecture. N'en déplaise à Dieu, elle pensait qu'il y avait actuellement des choses bien plus importantes à faire. Comme se battre pour sa survie.

Anne se remémora les derniers événements qui étaient arrivés : tout d'abord le retour de ce chien de Gaston d'Orléans, qui avait déjà auparavant tenté de détrôner Louis avec l'aide de leur mère, feu la terrible Marie de Médicis. Anne ne lui avait jamais fait confiance, à raison : Gaston n'avait pas tardé à conspirer de nouveaux complots. Il avait été emprisonné à la Bastille pendant quelques temps, puis le fameux criminel nommé Grimaud l'en avait libéré. Et pour couronner le tout, le demi-frère du roi, le gouverneur Philippe-Achille de Féron avait trouvé la mort et il avait été révélé qu'il avait plusieurs fois conspiré contre le roi.

Ce matin même, ça avait été encore un sujet de discussion entre la reine, son époux et le ministre de Tréville, qui avait fini par rentrer au palais après deux jours d'absence au chevet de Céleste. Louis avait encore une fois exigé des funérailles royales, ce à quoi Tréville avait répondu que Féron avait été un traître à la couronne. Et inévitablement, le sujet avait dérivé... Sur la régence du royaume de France.

Anne n'avait jamais été assoiffée de pouvoir. Ambitieuse et audacieuse, certes, mais jamais assoiffée. Mais elle devait obtenir la régence du royaume à la mort de Louis. Ce n'était pas une option, mais une nécessité. Pour elle, pour qu'elle puisse s'assurer une survie, mais aussi pour ses deux fils, qu'elle voulait continuer à élever par elle-même. Mais plus que tout, il le fallait pour la France, l'autre prétendant étant Gaston d'Orléans, qui lui, était vraiment obsédé par le pouvoir et la domination de la France sur l'Europe.

Et il le savait. Gaston savait parfaitement qu'il pourrait obtenir le trône. C'était même pour cette raison qu'il commençait la création d'une armée avec ses alliés, le Duc de Lorraine, ainsi que de nombreux seigneurs hostiles au roi. Et comme l'avait dit Tréville au roi, si son frère parvenait à créer une assez grande armée, il pourrait marcher sur Paris sans problèmes. Mais Louis ne le prenait pas au sérieux, il persistait à croire que Gaston avait possiblement été enlevé. Aussi avait-il congédié Anne et Tréville sans autre forme de procès. Et puis, Anne avait bien recroisé Louis plus tard dans la journée...

- Votre Majesté paraît bien songeuse, fit remarquer une voix non loin d'elle.

Anne poussa un petit soupire. A cause de son silence et de sa discrétion, elle avait totalement oublié qu'elle n'était pas seule dans la pièce. Mais il fallait dire que depuis que ses deux filles savaient écouter et tout répéter, sa dame de compagnie avait fait de remarquables progrès sur sa discrétion. La reine posa son regard sur la belle brune à ses côtés, qui l'observait par-dessus un de ses romans d'amour à l'eau de rose qu'elle affectionnait tant.

- Je ne suis pas songeuse, je suis inquiète, la corrigea Anne.

Le fin visage de la suivante se fendit d'un petit sourire, et ses grands yeux sombres se firent plus attentifs.

- Voudriez-vous m'en parlez ? susurra-t-elle.

Anne eut un gloussement en se repositionnant dans son siège.

- Pour que vous vous empressiez de le vendre au plus offrant ? riposta la reine. Non merci, Charlotte, ça va aller.

La suivante eut elle aussi un petit rire, puis fit mine de se replonger dans son livre.

Le retour de l'Espionne - Livre IIDonde viven las historias. Descúbrelo ahora