⚜ Chapitre 83 : Gaston d'Orléans ⚜

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 Paris, mois d'octobre

Céleste

Derrière une fenêtre donnant sur la cour du Louvre, je regardais avec attention l'homme qui accompagnait Aramis et Porthos. Je ne le voyais pas bien de loin, mais constatai qu'il était tout de noir et d'or vêtu, et qu'il marchait d'une démarche arrogante. Les mousquetaires laissèrent leurs trois chevaux aux palefreniers, et entrèrent avec l'homme dans le palais.

- Gaston d'Orléans, devinai-je.

- Oui, me répondit mon époux à mes côtés.

Non loin de nous, une porte était ouverte au bout du couloir, d'où sortaient des senteurs d'encens et des psaumes murmurés dans le silence ambiant. Le cadavre du roi reposait dans la pièce voisine. Et son traître de frère était au Louvre pour lui rendre hommage. J'appréhendais autant que j'attendais de le rencontrer enfin. De découvrir le visage de mon ennemi. Mais il ne devait pas m'associer à Tréville et aux mousquetaires. Aussi, quand des bruits de pas résonnèrent dans le couloir, je lâchai la main de mon époux, m'éloignai discrètement et me fondis dans les ombres du bout du couloir.

S'avança vers mon mari un homme de petite stature, semblant frêle et fragile. Il avait le teint pâle et maladif, et son visage était si efféminé que je me demandai pendant un court instant si c'était réellement le duc d'Orléans. Quand l'avais-je vu pour la dernière fois ? Pas depuis l'exil de sa mère, Marie de Médicis. Il avait à peine changé, le chétif bambin. Derrière lui, Porthos et Aramis s'inclinèrent avant de se retirer. L'homme, Gaston, eut un rictus mauvais, puis s'inclina ironiquement devant Tréville, qui ne portait plus sa veste de ministre. Au contraire, sa veste était à présent brune, striée de bleu cyan et d'or sombre, avec une fleur de lys discrètement brodée avec un fil noir dans son dos.

- Monsieur le régent... le salua Gaston, et je me hérissai à sa voix traînante.

Il se releva, et s'avança avec un sourire victorieux vers mon époux, qui, figé, ne faisait que le regarder. Il y avait quelque chose d'arrogant et de dangereux dans le port de tête du prince et dans sa manière de porter son costume noir, doré et orné d'une ceinture en tissu blanc, montrant qu'il ne faisait pas le deuil de son frère. Il semblait vouloir irradier de menace.

- Je savais bien que mon frère finirait par m'absoudre, continua le prince avec une moue dédaigneuse.

- Il ne l'a pas fait, répondit calmement le régent. La grâce vient de moi.

- Et je suppose que l'héritage aussi vient de vous, grimaça Gaston.

- Il n'y a pas d'héritage, lui apprit Tréville.

Le visage fin et délicat du traître se décomposa pendant un bref instant.

- Vous m'avez piégés, siffla-t-il.

- J'ai bien l'intention de veiller sur le roi jusqu'à sa majorité, commença Jean. De rétablir la paix dans le royaume et de le rendre prospère. Je ferais en sorte que le roi vous aime et vous respecte. Et bien sûr, vous aurez également la possibilité de montrer sur le trône s'il meurt sans descendante, et s'il advient de même pour le prince Philippe.

Gaston eut un petit rictus ironique.

- Non, l'attente serait beaucoup trop longue, et la probabilité que cela arrive, trop faible, dit-il. Que puis-je obtenir maintenant ?

Je grimaçai. Il m'horripilait.

- Il paraît que vous affectionnez le palais du Luxembourg, releva Tréville.

Le prince prit un petit moment pour y réfléchir de faire une moue.

- Il n'est pas rebutant, concéda-t-il avec un sourire malin.

Le retour de l'Espionne - Livre IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant