Le fabuleux destin d'Anna

Chapitre 51 : L'enquête

À la demeure des Pommiers, tout le monde s'était réuni autour de l'inspecteur Desrochers pour connaitre les dernières avancées sur l'affaire d'Anne Vermeil. Il avait entre les mains la liste des noms des jeunes filles susceptibles d'être la promise. Madame Romance Vermeil se penchait si fort sur ses feuilles qu'elle bouchait la vue de Louise et Thomas qui cherchaient eux aussi à lire. L'inspecteur gêné par une si soudaine proximité ne savait plus s'il fallait qu'il continue de garder ses documents où tout simplement les remettre. Tandis qu'il répondait aux questions de monsieur Philippe Vermeil en essayant de ne pas se préoccuper du chignon de Romance qui lui chatouillait le nez, Thomas jeta un rapide coup d'œil sur la liste et quitta la pièce sans un mot.

L'expression de son visage était fermée. Il refoulait une émotion douloureuse : le prénom d'Anna ne figurait pas sur la liste de l'inspecteur ; or il avait secrètement espéré qu'elle apparaisse. N'était-elle pas une orpheline de la région et qui plus est avec les cheveux roux ? Il se rendit compte qu'il ne savait pas grand-chose à son sujet : quel âge avait elle ? Quel était son nom de famille ? Quels étaient ses premiers souvenirs passés à l'orphelinat ?

Personne ne le comprendrait, mais depuis qu'il l'avait rencontrée, il avait développé un lien peu commun, tendre et réconfortant à la fois. Durant des nuits, il n'avait pas dormi en pensant où pouvait bien être sa sœur. Et si elle était finalement devant ses yeux ? Quel horrible doute !

« Qu'est ce que je fais ici ? » se demanda-t-il en observant Anna, assise à côté de lui sur le même sofa. Il était bel et bien à Monchâteau. Il avait suivi d'une façon insouciante sa curiosité. La pièce était plongée dans un grand silence après avoir demandé la permission à Monsieur de Monseuil de s'entretenir avec elle, seul à seul. Une chance qu'il eut accepté, compte tenu de sa visite imprévue et de son intrusion des plus embarrassante.

Il était nerveux. Il venait de surprendre un baiser improbable entre Anna et Monsieur de Monseuil. Depuis combien de temps se connaissaient-ils ? Il se souvint du jour où il avait rapporté à Georges la nouvelle de l'arrestation de Basile et qu'il n'avait pas réussi à cacher son affection pour elle. Cependant, Thomas ne l'aurait jamais cru capable d'entretenir une relation avec une domestique ! Bon sang ! Il ne devait plus y penser. « Ce sont leurs histoires, voyons, ne t'en mêle pas », pensa-t-il tout en se rappelant que sa sœur Anne était censée être la fiancée de Georges. Il ferma les yeux un instant et chercha à respirer calmement.

« Je doute que Georges se rabaisse à me demander de ne rien dire à mes parents au sujet de ce que j'ai vu, il est si fier. - Il soupira - et si sûr de lui. De toute façon, personne ne me croira, et il le sait. En revanche, ce qu'il ne sait pas, c'est que sa petite cachoterie n'est rien, comparée à la nôtre. Dieu du Ciel, combien de temps allons-nous continuer à lui mentir ? Que pensera-t-il de nous lorsqu'il découvrira que nous l'avons tenu à des fiançailles imaginaires ? Anna... et si c'était vous, ma sœur ? Se pourrait-il, vraiment ? »

Il ne savait pas encore quoi dire. Il se frotta les mains, croisa les bras, et s'éclaircit la gorge. Anna était imperturbable, elle regardait en direction de la porte d'un air rêveur, le sourire aux lèvres. Tout ce qui gravitait autour d'elle n'était que des détails insignifiants comparés aux délicieuses images qui lui revenaient en mémoire. N'importe qui aurait été capable de s'apercevoir à quel point elle était amoureuse et noyée par les flots de son cœur qui la possédait toute entière. Thomas douta véritablement de l'utilité de sa visite.

- Anna, je suis confus, non pas choqué, mais je ne pensais pas que vous et Monsieur de... enfin, parlons d'autres choses. Je m'excuse. Mille fois, je vous demande pardon de vous avoir dérangé. J'avais seulement quelques questions à vous poser et je me retrouve terriblement embarrassé. Je vais vous laisser, conclut-il.