Chapitre 1 : L'orphelinat

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Au 19e siècle, vivait à Sarville Anna Rouille, une orpheline maigrelette avec des gros cheveux roux bouclés. Comme tous les enfants qui avaient grandi sans éducation, elle ne faisait pas de manière et s'exprimait avec un vocabulaire simple et direct. Sa nature franche et énergique la plaçait soit haut dans les cœurs comme une amie fidèle soit en bas dans la catégorie des personnes non fréquentables.

Son petit minois et ses yeux malicieux en charmaient plus d'un. Mais Anna ne s'en rendait pas compte, car après moult refus d'adoption depuis l'enfance, à cause de ses cheveux roux, elle se pensait repoussante et non désirable. Au bout d'un moment, la question de savoir si elle était belle ou non dans le regard de quelqu'un ne lui traversait même plus la tête. Elle vivait sa vie sans se poser des questions. Elle était Anna, une pauvre qui aurait préféré comme beaucoup de sa catégorie s'appeler Anna de Rouille.

L'orphelinat de Sarville abritait 45 enfants. Elle les chérissait comme sa propre famille. Comme elle comptait 18 printemps, elle avait passé l'âge de se faire adopter et travaillait depuis quelques années comme domestique. La plupart du temps, elle ne pensait pas à ses propres besoins : elle se dévouait à toutes les tâches quotidiennes avec grand enthousiasme. On la voyait changer les linges, habiller les enfants, marchander le prix des courses sur le marché ou encore se lever pendant la nuit pour veiller sur un enfant malade. Madame Carousselle, la directrice de l'orphelinat l'aimait beaucoup. Sa bonne volonté et sa force inépuisable qui faisait fonctionner l'orphelinat au mieux, lui rappelait tous les efforts qu'elle avait endurés plus jeune à son tour pour reprendre ce lieu sordide qui tombait autrefois dans la maladie et l'insalubrité.

Pourtant, comme le cœur d'Anna était entier, on ne pouvait jamais la forcer à faire quelque chose qu'elle n'aimait pas ou qu'elle jugeait sans importance. Son tempérament brut épousait le dicton « Ou tout ou rien ». Chacune de ses actions devait lui donner du sens, sinon elle traînait les pieds avec désinvolture, oubliait la moitié des choses, sans que cela la gêne ou lui provoque la moindre culpabilité, bien au contraire !

C'était justement une de ces fois, où Anna arpentait les étalages du marché à la recherche d'un cadeau pour le docteur qui avait guéri trois enfants gratuitement. Elle ne savait pas ce qui pouvait faire plaisir à un homme d'âge mûr et s'en préoccuper la rendait indifférente. On pouvait très bien se satisfaire d'avoir sauvé des vies, voilà maintenant qu'il fallait en plus offrir une récompense ! La joie retrouvée sur les visages des enfants et les voir bouger allègrement procuraient une satisfaction bien au-delà d'un cadeau matériel, surtout que l'orphelinat était si pauvre.. Madame Carousselle, pourtant aimait faire quelques bonnes manières pour donner une belle image de l'orphelinat. Ce genre de comportement, Anna ne le comprenait pas. « Pourquoi diable imiter les gens de bonnes familles alors que la plupart du temps, nous ne pouvons même pas nous laver une fois par jour, car il n'y a pas quantité suffisante d'eau ? » pensait-elle. C'était le monde à l'envers !

Elle trainait des pieds, en raclant ses bottes sur les pavés irréguliers. Tout à coup, elle oublia complètement ce pour quoi elle était venue - car c'était ce qui devait se produire - en retrouvant son ami Basile.

Il se tenait derrière une table, faite d'une planche en bois sur un tonneau, et animait un tour de magie. Son grand corps maigre bougeait pour donner de l'animation dans ses vêtements mal assortis : un pantalon trop large serré avec une ceinture au-dessus de l'abdomen et une chemise à carreaux avec les poches de devant décousus. Seul son chapeau, trouvé il y a quelques jours dans une rigole lui donnait l'air d'un magicien.

Anna connaissait par cœur son tour, mais elle le regarda faire, car elle aimait le taquiner. Il mélangeait avec une rapidité exemplaire trois gobelets en criant : « Allez, venez, approchez, venez trouver la pièce. Où est-elle ? Dans quel verre ? » Elle croisa les bras sur sa poitrine et pouffa de rire devant la petite foule qui s'animait devant son numéro. « Elle est ici ! » dit un homme en pointant un gobelet. Basile lui demanda une somme d'argent pour le faire parier et après avoir reçu son dû, retourna le récipient. Il était vide ! Tout le monde s'exclama, car ils partageaient le même avis que le joueur.

Le fabuleux destin d'AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant