Chapitre 9 : L'entretien privé

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- Vous me demandez cela à moi, mais je ne l'ai jamais vu ! Madame Pichon va vous la présenter. Cette Anna est une jeune fille de la rue, Éléonore voyons, ce n'est pas sage ce que vous dites là. Pensez-vous qu'elle pourrait vous faire de l'ombre ?

- Eurydice, j'ai très peur.

- De quoi avez-vous peur ?

- Vous savez comme tous que Nicolas n'est pas en amour pour moi, ni avec son cœur ni avec sa chair. Je n'ai rien de lui ! Je suis une épouse mal aimée et torturée depuis le début de notre mariage. Si seulement il arrivait à me parler où me regarder. Qu'est-ce que j'ai fait pour provoquer un tel châtiment ? Est-ce que je ne suis pas assez belle ?

- Si vous l'êtes. Dans les jardins, les roses pâlissent en vous croisant.

- Et suis-je intelligente ?

-Bien sûr, c'est pour cette merveilleuse qualité que je suis à vos côtés en tant qu'amie fidèle.

- Alors qu'est ce que je n'ai pas ?

- Votre mari n'est pas.. il n'est pas..enfin il n'a pas l'air très en forme..

- Que dites-vous ? Qu'insinuez-vous ? Qu'il est malade ?

- Non, non bien sûr que non. Pardonnez-moi, j'ai prononcé des mots que je ne pensais pas.

- Et moi ? Comment me trouvez-vous ? Est-ce que je pourrais lui plaire un jour ?

- Ma chère, vous me répétez sans arrêt les mêmes questions. Arrêtez de vous tourmenter. Soyez confiante et patiente.

- Si je possède un enfant, il ne pourra plus m'ignorer. Peut-être qu'il attend d'être père pour trouver en moi la femme qu'il aime. Cet enfant comme je le désire ! Je le veux à tout prix, je le veux !

- Éléonore, ne vous faites aucun souci, il..

Les mots devenaient moins audibles. Anna, loin de se montrer discrète, s'approcha jusqu'à coller son oreille à la porte. Madame de Monseuil n'était pas aimée par son mari ? Pourquoi ? Anna se rappela l'entretien avec Clara. Elle avait dit que Madame n'arrivait pas à avoir d'enfants, mais elle n'avait en effet pas précisé pourquoi. Et elle qui pensait que la cause était biologique ! Mais c'était le cœur de Nicolas qui ne s'épanchait pas pour sa femme !

« Madame de Monseuil a l'air si malheureuse », pensa Anna. Ce bébé tant attendu était donc censé rapprocher le couple. Anna sentit à quel point Madame de Monseuil souffrait de ne pas être aimée en retour et cherchait sans arrêt le réconfort auprès de son amie.

L'amour rendait-il possessif et inquiet ? Tous les amoureux se comportaient-ils de cette façon ? Est-ce qu'un jour, elle aura aussi un mari ? Son esprit jusqu'alors vide de réflexion sur l'amour accueillit ces premiers questionnements. Étant donné qu'Anna ne trouvait pas de réponses en elle même, elle sentit son pouls palpiter. Dans ce bouillonnement d'émotions, une petite étincelle messagère de son cœur monta jusqu'à sa tête et surprise, elle chuchota sa question : « Est-ce que moi aussi, on m'aimera un jour ? ».

Comment ? Qu'est ce qu'elle venait de dire ?

Elle fut troublée pendant quelques secondes et le débat intérieur se volatilisa. Expressément oublié. Anna passa vite à autre chose, car elle entendit la voix fine à et se concentra à nouveau :

- Je l'ai choisi de basse naissance, elle ne pourra jamais le séduire. Jamais. Et elle a déjà partagé sa couche avec d'autres hommes. Nicolas aime beaucoup trop le « beau » pour être attaché à un fruit décati. Mais pourquoi ai-je l'impression que mon corps m'abandonne quand je pense à leur rapprochement ?

Le fabuleux destin d'AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant