SAVOIR, C'EST SE SOUVENIR(juillet 846)Hanji Zoe

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Je fais mon possible pour marcher droit

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Je fais mon possible pour marcher droit. Il a été difficile de cacher mon état - et la raison de mon absence prolongée - au reste du bataillon, et je tiens pas à devoir rentrer dans les détails. Erwin a fait ce qu'il fallait pour me planquer le temps que ça aille mieux ; ce qui signifie que j'ai vu quasiment personne pendant une semaine et demi ! Ils m'ont collée dans une chambre à part, avec juste une petite fenêtre pour voir dehors ! Autant dire que j'ai hâte de pouvoir voler de nouveau, je suis toute rouillée ! Moblit a veillé à ce que je manque de rien et à me tenir au courant de tout ce qui se passait, mais cette convalescence a été interminable !

Ceci dit, je ne suis pas fâchée d'avoir été rapatriée à Trost... Je me sentais vraiment pas tranquille dans cette ville étrangère... Tous les visages me semblaient suspects. Les explorateurs sont vraiment pas les bienvenus là-bas. Quand mon escouade a débarqué, j'ai été si soulagée ! Sofie avait bien fait le boulot. J'espère qu'elle va bien et qu'elle n'est pas en danger...

Je m'appuie un moment contre le mur avant d'attaquer la montée des marches jusqu'à l'état-major. Les médecins m'ont assuré que mon poumon n'avait pas été touché, mais que j'aurais des difficultés respiratoires pendant un moment. Ils m'ont recommandé de pas trop me fatiguer, ni m'agiter. Je crois bien que c'est le pire. C'est pas le genre de truc qu'on peut dire à quelqu'un comme moi. J'ai qu'une trouille : que Erwin me laisse derrière pour la prochaine sortie. Il va sûrement nous en parler aujourd'hui. La matériel est pas encore arrivé, mais il doit mettre en place les feuilles de route. Si je suis convoquée, c'est sans doute que je vais y aller aussi. J'espère bien !

Notre dernière entrevue a été plutôt préoccupante. Le régiment est infiltré. Tout ce qui m'est arrivé semble faire partie d'un plan bien organisé. On doit surveiller chacun de nos mots et de nos gestes devant les recrues, c'est usant. Et le pire, c'est que le coffre d'Erwin a été fracturé il y a peu. Parmi des papiers divers, la liste de nos donateurs a été volée. Ce qui est un gros problème ; ils tiennent à rester anonymes pour leur sécurité. Même si cette lâcheté me met en rogne parfois, je peux comprendre... Mais si ces noms sont rendus publics ou utilisés avec malveillance pour nous nuire ?... Erwin aura de gros problèmes, tout le monde pourrait nous lâcher... Si on perd nos appuis financier, on est cuits !

Allez, encore quelques mètres. Je gravis la dernière marche et me retrouve dans le couloir des gradés. J'ai du mal à me rendre à ma propre chambre ces temps-ci alors je crèche dans un dortoir avec mon escouade au rez-de-chaussée. Erwin a proposé de tenir réunion en bas mais j'ai insité pour monter. J''ai pas touché à mes recherches depuis que je suis sortie, ça me manque... Pour l'instant, je suis obligée de suivre des cours de rééducation en douceur. Je pourrais reprendre l'entraînement bientôt. Nous autres, on doit s'entretenir tous les jours autrement notre corps va pas bien. Je sais pas comment Erwin tient le coup en restant enfermé pendant des heures dans son bureau. Il fait des exercices de relaxation, je sais, mais ça me suffirait pas, à moi...

J'ouvre la porte sans m'annoncer, et je les vois tous les trois déjà rassemblés, en train de patienter. Et bien, les gars, vous vous êtes fait du souci ? Livaï ronchonne que je les ai fait attendre. Mike se précipite pour m'aider à marcher et je le repousse gentiment. Je vais bien, faites comme d'habitude. Erwin hoche la tête et commence la réunion, après s'être assuré que la porte est bien fermée et que personne ne peut entendre du dehors. C'est devenu une précaution absolument nécessaire. Je reste debout pendant quelques minutes, mais ma cicatrice me tire ; quitte à rester immobile, je crois que je préfère encore être assise. Je me tire une chaise et me pose dessus, le dossier devant, pour pas montrer que j'ai encore mal. Livaï m'observe du coin de l'oeil.

Erwin nous fait un topo général, reprenant quelques petites choses que nous savons déjà - le vol dans son coffre, la nécessité de ne jamais divulguer d'infos cruciales, même devant les soldats, l'importance de notre vigilance quant aux comportements suspects -, et je soupire de découragement. C'est si triste de devoir se méfier de nos propres hommes... Je ne soupçonne personne en particulier. Pourtant, nos faits et gestes ont été connus à l'avance. Sinon Mike et moi n'aurions pas été attaqués ; quelqu'un a renseigné nos ennemis sur nos emplois du temps, c'est évident. Erwin, dis-moi que tu as un plan pour nous faciliter les choses...

Il sourit alors - ça me fait l'effet d'un rayon de soleil par temps de pluie ! - et brandit une liasse de feuillets. Il nous dit qu'il s'agit des profils des derniers explorateurs recrutés et qu'il en a sélectionné certains qu'ils lui paraissent suspects. Oh, génial, ça va nous permettre de ne pas nous éparpiller inutilement ! Je suis sûr que tu as le nez pour ça ! Il les étale sur le bureau derrière lui et nous invite à venir les regarder afin de les mémoriser, grâce aux petits portraits crayonnés par le service de recrutement. Il y'en a une petite dizaine, pas plus. Certains viennent de la garnison, d'autres semblent avoir un passé flou ou peut-être monté de toutes pièces, selon le jugement d'Erwin. Il affirme avoir tenté de fouiller les archives judiciaires pour avoir des renseignements sur deux d'entre eux - un gars du nom de Udolf Valarico, et une femme nommée Ada Barrett - et qu'il s'est heurté à des trucs louches, mais qu'il n'a pas pu vérifier correctement.

Quel travail d'enquête ! C'est pour ça que tu as fait la navette entre ton bureau et la ville pendant quelques jours ! T'aurais vraiment fait un bon brigadier ! Mais après tout, enquêter, ça fait aussi partie de nos attributions ! Donc nos espions seraient probablement dans cette liste ? On va garder un oeil sur eux. Je visualise leurs visages, leurs noms, leurs unités d'affectation. Deux d'entre eux sont sous la supervision des chefs d'équipe que j'ai sous mes ordres. Mike en récolte quatre. Livaï n'a aucun groupe à sa charge, hormis sa propre escouade - qu'il doit vite reformer d'ailleurs, je me demande où il en est. Valarico et Barrett ne sont pas affectés à une unité particulière pour l'instant, ce qui signifie qu'ils sont moins surveillés. Je me demande si ce n'est pas un indice...

T'inquiète, major, on fera gaffe à ceux-là. Il nous recommande encore de ne pas divulguer d'informations et de briefer nos escouades sur cette discrétion. De même, nous devons éviter de nous rendre en ville, de sortir du QGR pour autre chose que les entraînements, tant que les espions n'auront pas été arrêtés. Et au fait... tu ne comptes pas les emmener en expédition ? Ca pourrait être dangereux... Erwin admet que c'est un problème. Les laisser en arrière, libres de leurs mouvements, durant notre absence, pourrait s'avérer pire que de les emmener dehors. Livaï intervient alors et insinue qu'il y a peu de chances qu'ils fassent des conneries en expédition. T'as raison, ce serait risquer leur vie inutilement. Si un truc merde sur place, ils en feront les frais aussi. C'est pas dans leur intérêt. Il vaudrait mieux les emmener, Erwin. Il réfléchit mais annonce finalement que de toutes façons, il compte les avoir arrêtés avant notre prochain sortie. La guilde Maya a besoin d'encore un peu de délai pour nous livrer, donc ce ne sera pas avant le mois prochain. Ce qui nous laisse du temps pour les débusquer.

C'est nous qui allons devoir espionner maintenant ! C'est un peu excitant, j'avoue ! Et pour la liste des donateurs anonymes, Erwin, on fait quoi ? Il affirme scruter les journaux tous les jours afin de s'assurer qu'aucun nom compromettant ne figure dans les scandales, mais que pour l'instant il n'a rien trouvé. Si nos ennemis se sont emparé de cette liste, ils ne savent manifestement pas encore quoi en faire. On doit les prendre de vitesse, trouver un moyen de les débusquer ! Toujours aucun indice sur mon agresseur ? Juste son signalement ? Personne est venu témoigner ? Erwin me demande de nouveau si je ne me souviens d'aucun détail crucial à son sujet. Non, rien de plus. Je le regardais pas, j'ai pas vu sa gueule. Il était plus grand que moi et portait un grand chapeau. Désolée de ne pas être plus utile... Mais vue sa dégaine, il doit être repérable facilement ! A moins qu'il se soit mis au vert ou ait changé de style vestimentaire... A sa place, c'est ce que je ferais...

Je saute de ma chaise, oubliant un instant ma douleur. Un de nos espions sait peut-être quelque chose à ce sujet ! Si on en chope un, je le ferai parler, compte sur moi ! Tu me laisses carte blanche, Erwin ? Il acquiesce. Super ! Celui qui me tombera entre les mains ne sait pas encore ce qui l'attend... J'aurai peut-être besoin de ton aide, Livaï ! Il se contente de grogner, comme à son habitude quand je lui demande un truc.

Aah, certaines choses ne changent jamais, c'est réconfortant...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant