TIMIDES RETROUVAILLES(février 846)Nadja Rosewitha

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Je ressors des sanitaires, la tête plus légère

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Je ressors des sanitaires, la tête plus légère. J'ai coupé de nouveau mes cheveux afin de ne pas être gênée en volant. Je pensais me faire une autre coupe, mais sans m'en rendre compte, j'ai reproduis presque exactement celle que le caporal m'avait infligée. Il faut croire que j'ai pris l'habitude de ce nouveau visage...

Depuis Yule, je vois mon rôle au sein du bataillon d'une autre façon. La gravité de tout ce qui nous arrive m'a réellement assommée l'autre jour, quand nous étions à la soupe populaire. Tous ces gens sans toit ni nourriture, c'était un constat amer... En tant qu'exploratrice, je ne peux pas faire grand chose à part tuer des titans, c'est frustrant. Je crois qu'Erd et Gunther le prennent plus sérieusement aussi maintenant.

Cela ne nous a pas empêchés de nous amuser durant le moins de décembre ; ma mère a accueilli tout le monde à la maison et nous nous sommes presque retrouvés en famille. Comme il n'est encore que le fiancé de Mariele, Erd est allé dormir dans la même chambre que Gunther, et moi avec ma soeur. On s'est tous un peu serrés, mais c'était agréable. Pouvoir voir Gunther tous les jours, c'était le paradis. Il est très serviable quand il veut et s'est montré prévenant avec maman afin de ne pas gêner.

Un moment, je me suis demandée quel genre de mari il pourrait être... Il faut que j'arrête de penser à de telles choses qui ont si peu de chance de se produire... Mais quand je vois la complicité d'Erd et Mariele, les regards tendres mais chastes qu'ils partagent souvent, je dois bien dire que je me sens un peu jalouse... Pas de façon méchante, je lui souhaite tout le bonheur, et je ne changerai de vie pour rien au monde, mais... l'idée d'avoir un compagnon un jour ne me sort pas tout à fait de la tête.

Un soir, Gunther et moi nous sommes retrouvés devant la maison, à la nuit tombée. Je ne sais plus ce que faisaient les autres mais la chance de l'avoir un peu pour moi m'a rendue heureuse. Il était en train de tailler un bout de bois avec un couteau. Je me suis juste assise à côté de lui, sans parler, et nous sommes restés ainsi pendant un moment. Je me sentais pleine de joie, comme si être là à côté de lui était en vérité la meilleure chose qui puisse m'arriver. Il n'est pas bavard mais il est honnête. Il m'a dit alors que si le Mur Maria devait être repris de son vivant, s'il survivait au bataillon et avait la chance de mener une seconde vie après, il ne saurait pas vraiment quoi en faire. Je l'ai laissé parler, je voulais en savoir plus. Quand il a évoqué la possibilité de devenir éleveur de chevaux ou instructeur, je lui ai répondu que quoi qu'il fasse, il pourrait toujours compter sur moi, que je le soutiendrais.

Sur le moment, je n'ai pas réalisé ce que cela pouvait signifier, mais je pense m'être sentie un peu gênée après. Lui n'a rien relevé et s'est contenté de me dire qu'il n'en doutait pas, que depuis notre enfance, j'étais toujours près de lui. C'est vrai... Mais que moi aussi je devais aspirer à un avenir alternatif. Je lui ai répondu que devenir un vrai médecin serait dans mes cordes, mais que là tout de suite, je n'avais envie de rien en particulier ; juste qu'il me laisse rester là...

Je me suis sentie incroyablement forte ce soir-là...

Il n'a rien deviné des sentiments qui me bousculaient et c'était tant mieux. Je ne sais pas comment je réagirais s'il devait s'en rendre compte... Cela pourrait entraver le travail d'équipe...

Après cette discussion, ma façon de le considérer a encore évolué. Je ne sais pas réellement si je l'aime comme une fille peut aimer un garçon. Je crois que c'est plus compliqué... La seule chose que je sais c'est que je veux être avec lui quoi qu'il arrive, tant qu'il accepte ma présence. J'ai l'impression... qu'il a toujours eu besoin de moi d'une certaine façon.

Alors je ne vais plus cacher mes capacités. Je l'ai fait pendant des années afin de me fondre dans la masse, qu'on ne me pose pas de question... Mais cette fois, ma force sera utile. Elle pourra sauver des vies. Il n'est plus temps de me restreindre, je dois montrer tout ce que j'ai dans le ventre, même si les autres risquent de trouver ça effrayant. Même moi ça me fait peur, je dois dire...

Je chasse mes cheveux en arrière et regarde le soleil au-dessus du QGR. Il doit être midi, les autres sont sûrement au mess. Je m'y dirige pour les rejoindre et me prend en plein visage le brouhaha des conversations et l'odeur des repas militaires. J'aperçois les trois garçons, attablés ensemble, et me saisis d'un plateau afin de me servir. J'ai une faim de titan, comme dirait chef Hanji ! Comme d'habitude ce n'est pas très appétissant mais ces repas nous apporte les élément essentiels de notre régime de soldat. En parlant de régime, je me demande ce qu'a pris Claus... Il essaie de le cacher mais tout le monde a bien vu qu'il a gonflé...

J'ai trouvé ça plutôt mignon... Au moins il nous démontre que sous ses airs bravaches, il n'est qu'un être humain avec ses travers, haha !

Je vais m'assoir avec eux ; Claus se pousse pour me faire de la place - Erd et Gunther sont inséparables comme toujours. Ils étaient apparemment en train de discuter du dernier cours sur les titans de chef Hanji. C'était intéressant, non ? On va découvrir de nouvelles manières de les affronter avec ces armes dernier cri. Vous êtes déjà allés voir la captureuse ? Claus répond par l'affirmative mais Erd et Gunther secouent la tête. J'irais tout à l'heure, moi.

Mon voisin est le seul à noter mon changement de coiffure. En fait, son regard me détaille avec insistance et assez peu de subtilité... J'ai toujours vu Claus comme un type un peu vantard et macho, mais j'ai l'impression qu'il a changé d'attitude envers moi depuis l'année dernière.

...

Si ce sont ses hormones qui le travaillent, je préfère qu'il les laisse en dehors du boulot de groupe, ça pourrait tout gâcher. Et puis je me rappelle soudainement que je suis la seule fille au milieu de cette équipe de garçons à peine plus jeunes que moi... Dans le bataillon ce type de détail n'a guère d'importance, mais quand on en revient à l'humain, il faut bien avouer ce que cela entre en compte, nous ne sommes pas des machines. Mais je sais que Claus est assez pro maintenant pour ne pas se laisser aller à des gestes ou des mots déplacés, qui iraient trop loin... Enfin je l'espère.

Le sourire qu'il me donne me laisse penser que ce qui lui trotte dans la tête passe bien au-dessus de celles des titans...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant