LE TREIZIEME MAJOR (novembre 845) Livaï

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Nous traversons la plaine déserte au petit trot

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Nous traversons la plaine déserte au petit trot. Les mochetés ne sont pas revenues par ici, alors c'est une vraie balade de santé. Cependant, Erwin a insisté pour que nous maintenions la formation de détection en bon ordre. Je me fais pas de bile, il se passera rien. J'aimerais bien pouvoir me rapprocher de son escorte et deviner son état d'esprit, mais je reste à ma place. C'est peut-être pas le moment.

Nous croisons des petites fermes abandonnées déjà couvertes de plantes grimpantes, aux fenêtres cassées - comment les titans ont-ils pu briser ces fenêtres sans tout fracasser, mystère -, des champs piétinés, et même un petit bois ravagé par des pieds gigantesques. Un troupeau de moutons retournés à l'état sauvage fuit devant nous, beaucoup plus effrayé par nos chevaux que par les titans. Pourquoi ces saloperies ne s'en prennent qu'aux humains ? Si on pouvait utiliser ces bestiaux comme appâts pour avancer vers le sud, tout serait bien plus simple...

Erwin nous a laissé faire quelques kilomètres vers Maria ce matin, mais la densité d'ennemis nous a fait faire demi-tour. Il lui suffisait de se rendre compte de l'ampleur de la tache ; le nombre d'obstacles à abattre avant d'atteindre le Mur est assez décourageant. Les titans se déplacent en groupes compacts d'une dizaine d'individus au moins, les isolés sont rares. C'est plus facile à éviter avec la détection mais si on engage le combat, on rameute tout le monde et ça peut se changer rapidement en boucherie.

Il devra sans doute se creuser la tête pour nous trouver de nouvelles stratégies adaptables sur le terrain. Mais il en est pas là. On va tous hiberner quelques temps et se reprendre la tête avec ça plus tard. Je me demande si cet hiver sera froid ; en tout cas, je doute qu'on aura des feux d'artifices cette fois. Y a des tas de trucs plus importants où dépenser du fric maintenant.

J'aperçois le Mur Rose. Apparemment, quelques sales tronches doivent traîner par là car j'entends les canons tonner. Ils auront fini avant qu'on soit à portée. Erwin ralentit l'allure pour leur laisser le temps de déblayer le chemin puis nous nous engouffrons dans les décombres de Trost Sud. La ville est réellement en mauvais état, y a quasiment plus aucune baraque debout. Comme les titans traînent souvent par ici, ils doivent considérer cette zone comme leur terrain de jeu. Ces idiots semblent ne pas se préoccuper des obstacles sur leur route, au lieu de contourner, ils préfèrent défoncer. Les déviants sont plus intelligents et savent mieux utiliser leur environnement. La binoclarde a encore aucune explication scientifique à donner là-dessus.

Nous repassons au pas et la formation se rétracte lentement. Les explorateurs se placent en deux files parallèles afin de passer l'arche de Trost. La herse s'ouvre devant nous rapidement et les odeurs de la ville nous assaillent de nouveau. Aussitôt, je remarque les visages fermés et en attente des habitants, avides de constater les dégâts. J'ai déjà vu ce genre de visages, à Shiganshina, à chacun de nos retours. La plupart avaient déjà à la main des pavés à nous lancer, avant même que la herse ne soit refermée... Mais les pierres ne volent pas cette fois.

Ils contemplent, sans y croire, la cohorte d'explorateurs au grand complet, fringants, les têtes hautes et fières, bien droits sur leurs chevaux. Alors, où sont les insultes ? Vous en avez pas à nous servir aujourd'hui ? Hanji se range près de moi, se penche sur le côté et me révèle que c'est la première fois dans l'histoire du bataillon que les explorateurs reviennent de l'extérieur sans ramener un seul cadavre. Je vois, ils sont pas habitués. Il devront peut-être s'y faire, on a un leader bon à quelque chose maintenant.

Je remarque un jeune homme qui se précipite vers le premier rang bordant la route jusqu'au QGR, et je devine qu'il s'apprête à lancer quelque chose sur Erwin. Mes muscles se tendent et je me tiens prêt à me ruer sur lui avec ma jument, mais mon instinct me trompe cette fois. Des brassées de fleurs blanches tombent sur Erwin, sur le pavé, sur les têtes levées de mes camarades, et même sur l'encolure noire de ma monture. J'en saisis une tandis que retentissent autour de nous des cris de joie que je n'imaginais même pas. Des "Vive Erwin Smith !", "Merci pour nos enfants, major Erwin !" fusent tout autour de nous et je sens quelque chose de très puissant parcourir nos rangs ; comme un long frisson secouant les flancs de nos chevaux et le coeur de mes camarades. Le mien aussi.

Erwin, comment tu te sens ? Ca te fait quoi de voir tout ça ? Tu es fier ? Ou ennuyé ? Il ne laisse rien paraître et se contente de prendre les bouquets de fleurs qu'on lui tend en mains propres, sans aucun geste de victoire ni signe de satisfaction. Une jeune fille se jette sur mon étrier pour y nouer une touffe de violettes et le regard qu'elle tend vers moi en dit long sur sa gratitude. Je me tourne sur ma selle et la vois se précipiter vers Erd, dont elle saisit le pied avec empressement, comme si elle voulait le faire descendre. Je remarque alors sa ressemblance avec Nadja et comprend qu'il s'agit d'une touchante réunion de famille.

Je conclus autre chose de tout ceci. Beaucoup de gens ont amené des fleurs au lieu des habituels cailloux. Ils avaient gardé l'espoir que cette fois, ce serait différent. Sur quoi se basaient-ils pour en arriver à cette conclusion ?

Quand je vois Erwin se dresser rapidement sur ses étriers afin de saluer la garnison, je crois avoir trouvé une partie de la réponse.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant