Chapitre 25

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Kathleen Rozlen

Je ne sais pas comment j'ai fait pour atterrir là. Je n'ai rien à faire ici. Je ne le croyais pas capable de cela. Ce bureau est ma représentation personnelle du démon, du diable. Je recule pas à pas, jusqu'à toucher le mur du dos. Une main sur la bouche, je retiens un vomissement. Tout mon estomac est retourné. Je sens une haine envers lui et envers moi-même me tomber dessus. Tout mon monde tourne et se détruit, pleins de fissures apparaissent. Tout se brise et je tremble de tout mon cœur. J'aimerais tout effacer de ma mémoire, continuer à vivre dans l'ignorance, continuer à croire que tout allait de mieux en mieux. C'était le cas, non ? J'avais enfin trouvé un homme qui me correspondait, les travaux de la maison se finalisaient enfin, mes relations avec mes enfants ce sont améliorer, j'aime mon travail.

Mais ma fille est dans un centre de désintoxication. Et j'ai un rôle là-dedans. Oui, c'est en partie ma faute. Jamais cela n'aurait dû arriver, j'ai tout fait foirer. Tout. Je n'ai pas été là pour elle, et je sais que Noam est au courant. Il me l'a caché. Et le pire, c'est que je sais qu'il ne l'a pas fait avec de mauvaises intentions et je ne lui en veux pas le moins du monde. Non je m'en veux, moi. Je me hais moi. Tout me répugne en moi.

Devant moi, une table, large et ronde, d'un gris pâle dont on ne voit presque plus la couleur, caché par des dossiers, un paquet de feuilles sur la vie de Noam, d'Adelya sa nouvelle petite amie, de Loana et même de moi. Mais pas que, il y a encore pleins d'autres photos. Des photos d'inconnue, souvent un garçon et une fille qui ressemblent à des couples pour la plupart. J'en reste bouche bée. Plusieurs tableaux blancs sur les murs et des ordinateurs où sont affiché divers post-its et photos reliés par des cordes rouges les unes avec les autres. La photo d'un inconnu au visage ovale, des yeux bleus qui encadrent un visage lumineux et des cheveux châtains, une autre photo juste à côté, celle-ci est en noir et blanc. On peut y voir un visage quasiment identique, mais appartenant à une autre époque, ça m'a l'air irréel. Juste en dessous, le visage d'une fille rousse parsemée de taches de rousseurs avec une photo en noir et blanc d'une silhouette identique à côté.

Toutes les photos sont présentées ainsi avec tous des visages différents. Une seule reste seule, faisant tâche dans toutes ces photos de couple. Celle de ma fille, celle de Loana. Une photo d'elle, prise récemment. Elle ne devait pas être au courant de la prise de cette photo, elle devait marcher dans la rue, ses cheveux volent au vent et elle porte le même air neutre, blasé, morose que lorsque je suis arrivée dans cette maison. Son expression est tout autre aujourd'hui. La dernière fois que je l'ai vue, elle arborait un air plus jovial, respirant l'enthousiasme et l'espoir. J'ai revu l'ombre de son visage d'enfant, bien avant le divorce et tous les drames qu'il y a eus. Plus jamais je ne veux que cette expression parte de son visage, plus jamais je ne veux qu'elle récupère cet air triste, amaigrie, vivante sans vraiment l'être.

Et sur un des ordinateurs, un dossier est ouvert comme s'il avait été laissé là juste pour moi. Afin d'être sûr que je le vois. On y voit une vidéo de caméra de surveillance, elle a été prise dans la chambre de Loana, celle-ci se dispute avec son frère. Sûrement dans leur début de relation. Ils parlent d'un secret, de quelque chose que je n'aurais jamais dû savoir. Noam engueulait Loana de m'éviter, il parlait des crises de larmes que j'ai eue à répétition peu de temps après le divorce. D'à quel point j'ai eu dur à m'en remettre. J'ai été ignorante de croire qu'il n'était au courant de rien. J'étais persuadée qu'il ne savait rien de cette période-là de ma vie, que mes yeux rougis, que mes joues mouillées par mes larmes et que mes grands cris de désespoir que j'ai tenté vainement de noyer dans le coussin de mon ancien lit lui était inconnu. Si j'avais su que Ayden trempait dans des affaires pareilles, jamais je ne l'aurais laissé prendre la garde de Loana.

En fouillant un peu plus, j'ai découvert un tas d'autres dossiers contenant des vidéos de caméra de surveillance. La maison en regorge, cela fait plusieurs mois qu'il nous surveille. Et tout est très bien calculé chez lui, je sais que ce n'est pas par hasard que je me retrouve ici. Il y a anguille sous roche. Il est avec moi dans la maison, je le sais.

Le temps du destin (Terminé)Where stories live. Discover now