chapitre 5

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« Ana ? » Dis-je dans la pénombre d’un soir sans lune.


Il y avait de l’écho dans cet endroit. Ce n’était pourtant pas une pièce close.


« Ana » lançai-je, de nouveau, en espérant entendre un bruit, un son, une réponse.


Je n’entendis que ma voix qui fût emportée par le vent. Je marchai, seule, dans une forêt sombre, parsemée d’arbres silencieux et inertes malgré le vent.


Comme d’habitude je te cherchais dans mes pensées. Je disais tout à chaque pas que je faisais et je pleurais ton silence à chaque inspiration.


Je continuai d’avancer.


Je ne savais plus m’arrêter, persuadée à chaque pas que je faisais que tu allais apparaître devant moi. Peut-être étais-je en train de perdre la raison. À moins que je l’avais déjà perdue lorsqu’il t’était passé à l’esprit de disparaître sans donner de nouvelles. Tu me manquais, tu sais. Voyais-tu comment je ne vivais plus sans toi, sans ton sourire, sans tes fou-rire, sans ta joie, sans toutes les bêtises que tu me racontais, sans notre amitié ? Je ne pouvais pas continuer comme ça Ana. Où étais-tu ? J’aurais tellement voulu que tu écoutes mes cris et questions. Pourquoi m’avais-tu abandonné ? Était-ce parce que je te fatiguais à te raconter mes problèmes ? Ou alors était-ce mes silences qui avaient fini par t’agacer ? Tu étais pourtant sans ignoré que j’avais toujours été de nature à écouter, plus qu’à parler. D’ailleurs, j’aimais t’écouter. Tu avais toujours ce petit sourire au coin des lèvres, lorsque tu me racontais tes journées et une passion dans le regard. Et puis ta voix, si douce et envoûtante, un réel dessert pour mon ouïe.


Cela devait faire cent fois que je me réveillais en sursaut, le cœur serré, les mains qui tremblaient et cette migraine infernale.


Comme d’habitude, depuis six jours déjà, mes crises nocturnes réveillèrent toute la maison. Maman se précipita dans ma chambre, le visage inquiet et fatigué en même temps.


Le médecin lui avait expliqué que ces crises étaient normales, qu’il s’agissait juste de souvenirs qui essayaient de revenir mais mon corps les repoussait. Il avait aussi parlé de traumatisme psychologique, de déni et d’autres choses encore mais à vrai dire, je n’écoutais pas vraiment tout ce qu’il racontait à chacun de ses passages. Mes idées étaient ailleurs,  mon âme était toujours perdu et mon esprit, lui, te cherchait désespérément, depuis que je t’avais vu allonger sur ce sol, depuis que j’avais perdu connaissance à cause de cette douleur au crâne, depuis que je ne sentais plus ta présence, depuis six jours déjà…


« Monica, tu ne dors pas ? » Entendis-je depuis mon lit où je gisais depuis un siècle déjà, à en croire le temps passé, allonger.


Cette petite voix qui se voulait délicate était celle de maman.
Ah, Ana, toi qui ne connaissait que trop bien l’histoire de ma vie, peut-être aurais-tu été en mesure de comprendre la raison pour laquelle toute la tendresse qu’elle essayait de me communiquer n’avait aucun effet sur ma douleur. Elle, qui auparavant m’avait reniée et abandonnée à mon père alors que j’ignorais encore tout de l’amour. Il était indéniable qu’elle avait changé, même avec cette tristesse infinie qui me rongeait, je ne pouvais, ne pas le reconnaître. Mais avais-je réussi à oublier tout ce par quoi j’avais dû passer finalement ? Toutes les questions sans réponses, toutes ces fois où je n’avais eu que mon père comme rempart. Je ne m’étais pas encore habituée à son visage, celui de papa possédait encore mon cœur, enfin c’était le cas jusqu’à notre rencontre. Ce jour-là, pour la première fois de ma vie, j’avais osé laisser une nouvelle personne entrer dans mon esprit et le posséder. Depuis ce fameux jour, je te voyais à chaque fois que je fermais mes paupières. Tu étais comme tatoué dans mon iris, et ta voix était emprisonnée dans ma tête. Mon air, ma vie, mon univers, pourquoi t’avait-on arraché à moi ? Où étais-tu ma sœur, mon âme, ma jumelle, où était ma meilleure amie ?

Mon ange déchuWhere stories live. Discover now