Chapitre 2

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🎵 Survivor - 2WEI, Edda Hayes

Irina

Il fait sombre. Je ne perçois qu'un mince filet de lumière par la petite fenêtre. Mes yeux s'habituent doucement à la pénombre. Je cherche du regard où je me trouve.
Ma respiration est erratique, mes mains tremblent, je sens des larmes perler au coin de mes yeux, l'angoisse au fond de mon estomac, la rage. La cave, l'humidité des murs, ce matelas qui n'en est plus un. En remettant les éléments ensemble je vois que je suis dans le sous-sol du taudis qui nous sert de maison. Inspiration après expiration, je rassemble mes pensées et ma force, sachant pertinemment ce qui va se produire d'ici peu de temps. Luka doit être en haut inconscient sur le sol si je me trouve ici. Il se met toujours en travers du chemin d'Igor, il se bat pour ne pas que je me retrouve dans cette cave, quitte à en payer le prix. Depuis quelque temps Luka est de plus en plus fort. La râge nous donne une énergie supplémentaire pour nous battre. Nous n'avons plus autant peur de lui qu'avant. On parvient à lui rendre la tâche plus difficile. C'est ce qu'on fait, jour après jour. Mais même si on ne se laisse pas faire, on ne peut pas avoir totalement l'ascendant sur lui. La folie qui l'anime l'aide à être un peu plus fort. Alors je suis ici et Luka est en haut. Igor, mon géniteur, ne va pas tarder à arriver. Mon souffle calmé et mes larmes ravalées, je tends l'oreille pour percevoir tous les sons alentour. Des chiens aboient au loin. Quelqu'un marche au-dessus de ma tête, le parquet craque sous le poids de son corps. Les clés tournent dans la serrure de la porte en haut des escaliers qui s'éclairent par la lumière du salon. Igor referme la porte à clé et prend son temps pour descendre. Il clos le seul endroit par lequel sortir. Tel un prédateur, il savoure ce moment. Marche après marche. Il préfère quand j'ai peur, quand je tremble en le voyant en face de moi. Il aime quand je le supplie, quand mes larmes coulent. J'entends ses pas contre les marches du petit escalier. Puis je l'aperçois. La lumière éclaire seulement un morceau de son visage et fait ressortir un sourire vicelard. Sa chemise est tâchée par le gras et l'alcool qu'il ingurgite à longueur de journée. Sa barbe grisâtre entoure son visage et ses cheveux cendrés sont clairsemés sur son crâne.
— Alors ma chérie, tu as changé d'avis ?
Sa voix est sépulcrale, je sens mes poils se hérisser à ce son qui me dégoûte. Plutôt crever que de faire le trottoir pour lui. Il pense pouvoir m'utiliser, que des hommes en tout genre viennent et usent de mon corps contre des billets ou de la drogue qu'il récupérera. Il voit en moi un moyen de se faire de l'argent. Depuis que notre génitrice est morte, il pense que je vais reprendre le flambeau. Marcher sur ses pas. Quel merveilleux futur n'est-ce pas ?
Comme il ne parvient pas à me faire faire le trottoir, à faire de moi sa pute, il m'emmène dans cette cave et m'y enferme. Invitant parfois, bien trop souvent en réalité, des clients à venir.
Mes sourcils se froncent, mes lèvres sont pincées, mon visage est déformé par le dégoût de celui qui me fait face. Je refuse de lui répondre. Je me redresse et crache à ses pieds. Mon géniteur éclate d'un rire grinçant qui intensifie ma chair de poule et son poing rencontre ma mâchoire. Mon corps heurte le matelas qui amorti à peine le choc. Mon épaule amortie mon poids dans un bruit sourd. Je sens le goût métallique de mon sang se déverser dans ma bouche. J'essuie avec ma main l'hémoglobine qui borde mes lèvres.
Je garde en tête chacun de ses actes, chacun de ses coups, chacun de ses gestes pour le jour où je lui ferai tout payer.
Je ne crie pas, je ne pleure pas, je reste silencieuse. Il se délectait de mes larmes, de mes cris, de mes appels à l'aide lorsque j'étais plus petite. Il m'incitait à appeler plus fort encore, en me rappelant que personne ne viendrait pour moi, que personne ne me sauverait. Parce que je ne suis personne.
Alors je refuse de lui faire ce plaisir. Igor en profite pour me frapper avec ses pieds, mes mains protègent ma tête, mes jambes servent de bouclier pour mon ventre, en boule je me protège puis plus rien. Plus de coups qui pleuvent. Quelques secondes de répit avant d'entendre une fermeture éclair s'ouvrir puis sa voix :
— J'aime tellement quand tu refuses.
Mes yeux se ferment, mon cerveau s'éteint quand je sens le poids de cet homme sur moi.

Brutal | Dark romanceWhere stories live. Discover now