XXVII

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Je n'ai jamais conduit de ma vie, mais ce n'est pas trop difficile. Une marche avant, une marche arrière, un frein, un volant. J'ai juste peur d'aller trop vite et de tombée à mon tour dans le vide. Je laisse donc descendre en freinant jusqu'à ce que le frein sente mauvais. Je ne sais pas si c'est bon signe, mais on m'a toujours conduit et jamais l'inverse. Peu importe. Je vais plus vite là-dedans quoi qu'il arrive.

Moi qui pensais être partie loin du campement, j'y suis en deux minutes en jeep en allant tout droit. Tu parles qu'ils nous aient retrouvé, entre mes cris et le boucan de la bagarre ça n'a pas dû être très difficile. J'arrête la jeep et je descends. Premièrement, j'ai faim. Même si la simple idée de manger me donne la nausée, je sais qu'il faut que je remplisse rapidement mon estomac. Je fouille dans les tentes et je tombe très vite sur une glacière, de l'eau fraîche et pure, des boissons alcoolisées que je ne toucherais pas, ainsi que des cuisses de poulet, des patates déjà cuites et des fruits. Je ne pensais pas dire cela un jour, mais c'est un pur bonheur de voir toute cette nourriture et ces bouteilles d'eau. Rien que ça, c'est un pur luxe, chose que je n'avais jamais saisie jusqu'ici. Je m'installe près du feu où il reste des braises, rajoute du bois et je mets les cuisses à cuire ainsi que les pommes de terre pour les réchauffer.

Je crains de m'éterniser et qu'une voiture pleine d'homme face irruption a chaque angle de mur des canyons où il y a la route, mais je suis affamé. Pendant que ça cuit doucement, je me relève, j'arrache le bouchon d'une bouteille d'eau et je bois tout mon soûle jusqu'à ce que je n'en puisse plus. Grossière erreur. Mon ventre et mon estomac sont tirés. Malgré tout, l'eau m'a tellement manqué que je continue à boire jusqu'à ce qu'une envie de vomir insoutenable survienne. Une main sur les lèvres, je laisse descendre l'eau dans mon estomac et je me retrouve avec un hoquet atroce. Je me plie en deux, j'ai vraiment envie de vomir. J'ai bu trop vite, trop d'eau. J'aurais dû me contrôler, mais la soif est une sensation bizarre, insoutenable, entre les mots de tête et les lèvres gercés, j'ai bien cru mourir de déshydratation. Un rejet qui me remonte dans la gorge, que je crache soudain au sol et je me sens un peu mieux. Je me rassois devant le feu, retourne les cuisses de poulet et je ferme les yeux. Je respire calmement sous les bruits de crépitement apaisant du feu. L'eau est un luxe, la nourriture est un luxe, la tranquillité en est un aussi. Et, je me rends compte soudain que moi, la fille sans don que je croyais être, pas intéressante, ni super belle, je suis un luxe aussi. Un don moi ? De l'or ? Comment vais-je m'en servir ? Quel son ses avantages hormis la richesse ?

La bonne odeur de la viande qui cuit m'accapare toute mon attention et je chasse mes questions de mon esprit. J'attrape une cuisse de poulet à peine cuite, me brûle les doigts en passant et je m'acharne dessus avec les dents comme un animal. Je n'ai jamais mangé ainsi, mais ici, seule, le ventre vide depuis des jours, je n'ai plus aucune retenue et je me moque bien de comment on penserait de moi. J'ai eu tellement faim que j'en avais la nausée. Sensation finalement très étrange, car j'ai hésité à me nourrir pendant un court instant alors que je savais que mon corps me le réclamé. Dès les premiers bouchers, c'est l'extase, c'est comme si ce simple morceau de poulet était un mets délicieux sorti de la cuisine de chez moi. La nourriture que j'ingère me donne envie d'en avoir plus, mon estomac m'en redemande plus et j'attrape rapidement la cuisse toujours sur le feu et bien cuite entre les doigts. Je me brûle encore une fois, mais je n'en ai que faire. Je l'apporte rapidement à mes lèvres et ne laisse pas un seul morceau de viande sur l'os. Les patates finissent elles aussi dans les profondeurs de mon estomac, je ne pensais pas avoir autant de place dans mon ventre. Finalement trop rassasier, le ventre tendu, prés à exploser, je me couche sur le dos et ferme les yeux pour faire passer tout ce flux de nourriture et d'eau. La tête me tourne, et le trop-plein me donne envie de vomir une fois encore, mais je me sens quand même beaucoup mieux. Une main sur l'estomac, j'attends et je me relève quand je sens que je le peux. Surtout quand je sent que tout se que j'ai mangé ne vas pas ressortir aussi vite. 

Je me rends vite compte que j'ai mangé n'importe comment, que j'ai du gras sur la bouche, le menton, les joues, les mains et les avants bras, rajoutons à cela le sang sec de l'homme maigre sur mon tee-shirt XXL. Je dois avoir une sacrée image. Je regarde un instant le canif rouillé que j'ai ramassé en haut du canyon et le prend en main. Je le déploie et je regarde la lame d'un œil nouveau en y faisant glisser un doigt dessus. J'essaye de faire appel à mon don et de teinter la lame en or, en vain. Je ne sais pas comment on s'y prend. Quand je me rappelle mes sœurs, qui font le spectacle de leurs dons sur commande, comment font-elles ? Je n'ai qu'une hâte, rentré, les voir, leur montrait mon don, voir leurs têtes de choquer, et ensuite qu'elles m'expliquent comment m'en servir.

Après plusieurs tentatives qui commencent à me faire monter les nerfs, je laisse le canif de côté et je me mets debout. Je retourne continuer ma fouille dans les tentes. Je vide les sacs que je trouves, en met un de côté et j'y mets tout ce qui peut me sembler utile dedans. Une lampe torche, un rouleau de corde, une genre de couverture, un duvet, un kit de premier secours, un briquet, une bouteille d'eau même si le pack entier vas atterrir dans le coffre de la jeep.

Finalement, trempé de sueur sous cette chaleur étouffante et avant de prendre la route, je me dirige près de la rivière ou un mauvais souvenir me donne un gout amer dans la bouche. J'ai hâte de quitter cet endroit, mais il le faut, avant tout, de me laver. Je m'enlève mes vêtements tachés pleins de sang, les jettent dans le feu sans regret et je me précipite dans l'eau pour laver ma peau de toutes les imperfections de ses jours. Je frotte les croûtes de sang séché, la boue, les taches, et encore du sang, je me lave de cette odeur de transpiration qui colle à ma peau et je me lave encore en frottant encore plus. Ma peau redevenu propre, je continue à frotter pour essayer d'enlever cette sensation affreuse d'être sale et impure. Quand j'arrête, je me rends compte que je pleure, que mes larmes se noient dans l'eau de la rivière. Je les essuie rapidement, honteuse. Je me sens mal, même laver, je me sens impure et crade et je ne sais pas comment faire pour me débarrasser de cette sensation.

Je me relève en cachant mon corps de mes mains, même si je suis seule, et je me précipite sous une tente. Je déniche un pantalon noir en tissue trop grand et un tee-shirt XXL, je les enfiles et fais tenir le pantalon sur mes hanches à l'aide d'une corde. Je fais un nœud au tee-shirt et je glisse une paire de chaussette géante sur mes pieds. Pour les chaussures, je passe mon tour, mon petite taille trente-sept ne fais pas bon ménage avec les quarante-cinq que je trouve.

J'attrape le sac, glisse le canif dans ma poche et je regarde autour de moi. Que faire ? Où aller ? Je suis perdu.

Je regarde le soleil décliner derrière le canyon et je sens l'air frais se propager autour de moi. Premièrement, essayé de sortir de ce labyrinthe de pierre rouge, ensuite, on verra bien.

Je regarde la jeep, stresser à l'idée de devoir conduire encore une fois sur les routes sinueuse, mais ça me permettra d'être à l'abri du froid, des hommes, et d'aller plus vite. J'espère juste que je ne vais pas attirer l'attention, ni qu'il y est un traceur sur la voiture, comme c'est le cas pour celle de père. 

GOLDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant