Chapitre 2

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Le disque des Nass L'Ghiwan venait de se finir sous les vitres founeau. Il laissa le vent de l'atlantique rentrer à la manivelle, puis repassa le disque un vingtième fois aujourd'hui, action qu'il répétait chaque jour depuis vingt ans.

En ces chaudes journées, les passagers potentiels pullulaient. Pourtant, le destin le plaça face aux seules qu'il ne voulait pas voir ; une grosse femme voilée et son fils. La voiture tenta de les éviter e entre deux car, mais la femme bloqua sa route, empêchant le chauffeur d'avancer sans commettre de fratricide.

Avec le sourire, la femme s'accota à sa fenêtre. « Tu ne comptes pas m'ignorer, ya hamid ? »

Le chauffeur soupira. « Bien sur que non, Soukeina, monte toi et ton fils. »

Elle, le marmot et leur parasol s'agglutinèrent sur les sièges passagers.

-Ou vous allez ? grogna le moustachu.

-À la mer.

-De le ville ?

-Oui.

Le chauffeur vrilla vers le long chemin de la cote. En bas de la route, les pécheurs d'huitre cassaient leur dos à coté des bouteilles brisé de San Pellegrino.

-Ça, c'est une chaude journée... chuchota la sœur.

-Oui.

-Dis-moi, Hamid... Tu penses au mariage ?

Le chauffeur accéléra pour cacher son soupir. « Y a oukhti, si tu me parles de mariage à chaque fois que je te monte, je vais finir par te descendre. »

-Pourquoi tu t'énerves ! Je dis ça pour ton bien... J'en connais une qui t'intéresserait.

-Je ne veux pas entendre tes plans foireux. La dernière fois, elle n'avait plus de dent et à peine de cheveux &

-Parce que tu es Omar Sharif, peut-être ? Le véritable intérêt du mariage, sache-le, ce n'est pas le compagnon, c'en est le résultat. Regarde mon mari : un vrai idiot ! Pourtant, il m'a donné ce bout de chou qui vaut tout l'or du monde...

Le chauffeur regarda son neveu dans le rétroviseur. L'imbécile venait de se retirer une crotte de nez pour la mâcher goulument.

- Je m'en passerais...

Ils finirent dans la médina, juste en haut de la plage. Les gens s'y promenaient à la mode occidentale et les chatons gémissaient leur faim sur la place de l'horloge. De temps en temps, un cuisinier leur jetait des restes de crevettes avalé plus tôt par un fonctionnaire goulue et sa famille de six.

La grande femme descendit du véhicule. Elle s'apprêtait à partir, quand le chauffeur grogna :

-Et mon argent ?

-Quel argent ?

-Mes dix dirhams ?

-Tu veux faire payer ta sœur ?

-C'est la onziéme fois que je te laisse monter ce mos-ci. Et on est le deux de chaaban. J'ai besoin de payer mon loyer, tu comprends ?

-Et quand je changeais tes couches ? Et quand je t'emmenais à l'école ? Et quand je te préparais à manger pour tes journées à la plage ? Quand est-ce que tu m'a payé... Quand est-ce que tu es devenue aussi pingre ?

Sans lui laisser le temps de répondre, la femme s'en alla avec son fils et son parasol.

De nouveau et éternellement, le chauffeur soupira et le véhicule vrombit.... 

El MehdoumaWhere stories live. Discover now