Mirage [MxM] [Terminé]

5 - Siora et Vilseh

 Je passai les jours suivants à m'occuper presque exclusivement de l'animal. Entre balades, achat de viande et longues conversations que je pratiquais seul, pour le moment, nos journées étaient bien remplies. Je lui fis découvrir le quartier, la présentai aux voisins curieux et lui appris à rester à mes côtés lors de la marche afin que nous ne nous perdions pas.

Même au travail, elle était devenue une véritable reine. Tout le monde prenait soin d'elle, lui apportant des morceaux de muscle de premier choix. Elle avait vite pris ses aises dans la pépinière et s'amusait à chasser les nombreux insectes maléfiques qui menaçaient nos quelques plants décoratifs. Tous mes collègues avaient été impressionnés par sa seconde forme et j'aimais à penser que grâce à elle, ils me considéraient un peu plus comme l'un d'entre eux.

Cet après-midi, je rendais visite à ma petite sœur, en compagnie des deux autres membres de ma cellule familiale. Siora habitait plus au nord, dans un quartier arboré où les maisons étaient bâties de roches blanches qui reflétaient les rayons du soleil et où les rues pavées de pierres aux éclats d'or revêtaient des airs de monde féérique.

Installés dans son jardin ombragé, à l'abri d'une tonnelle en bois sculpté où courraient des plantes caractéristiques de nos régions, proches de la vigne grimpante, nous pouvions écouter le clapotis de la fine rivière qui prenait sa source au plus profond du monde, sous le temple d'Elysia.

Mon neveu dans les bras, ma sœur le couvait d'un sourire empli d'un amour que je ne comprenais pas. Ses yeux bleus pétillaient à chaque fois qu'elle le contemplait, comme s'il était de nature divine ou supérieure.

— Vous vous êtes décidés pour son prénom ? s'intéressa Lya.

— Nous hésitons, soupira Siora. Entre entre Kahlam et Naïm, notre cœur balance. Mais il nous reste encore quelques mois pour choisir, heureusement !

Elle rit, accompagnée de ma femme, tandis que son mari, Vilseh, me servait un verre d'alcool régional mousseux aux relents de houblon.

— Lya m'a dit qu'il y a quelques jours vous êtes allés vous renseigner pour un berceau ? Le petit est en route ?

Son sourire crispé me mit mal à l'aise. Plus que ma sœur, il ne cessait de me questionner sur nos essais, à tel point que j'étais à deux doigts de lui proposer de le faire à ma place... Si j'osais, je blasphémerais une nouvelle fois, mentant sur nos prières non entendues, mais c'était tentant.

— Nous nous sommes renseignés pour l'insémination, expliqua ma femme. Ils nous recevront après les nuits pourpres. La dame que j'ai contactée était très compréhensive. Je lui ai précisé que, malgré nos efforts et nos taux de fécondités normaux, nous ne parvenions pas à concevoir. Elle m'a beaucoup rassurée, en me disant que ce n'était pas rare dans la cité. Les fortes chaleurs sont éprouvantes pour nos corps et ils peuvent refuser d'eux-mêmes de nous ajouter quoi que ce soit qui pourrait nous affaiblir.

— Oui, j'en ai entendu parler aussi, confirma Siora. Ça fait quelques décennies que les taux démographiques humains baissent dans l'oasis. Pourtant, ils font tout ce qu'ils peuvent pour nous aider.

Tandis qu'ils digressaient dans une ambiance légère, mon esprit divagua. Je pensais au démon et à cette journée perdue que j'aurais pu passer en sa compagnie. J'aimais ma sœur de tout mon cœur, mais j'aurais tout le loisir de la voir jusqu'à ma mort, alors que Zora repartirait après les nuits pourpres et peut-être sans plus jamais poser un pied dans ma cité.

Ma gorge se serra à cette pensée et la culpabilité pointa le bout de son nez. Ce coup de cœur n'était pas bon, ni pour moi, ni pour Lya, ni pour la famille que nous tentions de mettre en place. Il m'éloignait de mes responsabilités d'Homme et de mari.