15 - Enfanter, c'est sauver. Enfanter, c'est sauvegarder.

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 Il m'avait prévenu de ne pas compter les grains de sable pour m'occuper, mais en cet instant, le temps qui s'écoulait était ce dont je me souciais le moins.

La totalité de mon attention demeurait focalisée sur ma peau qui brûlait. Le soleil, qui tombait en piqué droit sur mes épaules et mon dos, se divertissait en carbonisant mon épiderme à feu vif, tandis que le collier de fer conservait une chaleur constante et trop puissante pour ma peau. Chaque mouvement lacérait ma chair, chaque inspiration qui gonflait mon buste, tirait. Mais le pire restait la transpiration. Je suais à grosses gouttes, qui prenaient un malin plaisir à couler en chatouillant les endroits par lesquels elles ruisselaient. Pour finir, ma joue blessée me lançait avec force. Elle était enflée et la température ambiante n'aidait en rien.

Plusieurs fois, j'avais relevé les yeux vers mon gardien, assit confortablement sur une chaise, à l'ombre de son alcôve, et il lui était arrivé de me faire un signe de la main, amusé. Je ne savais pas combien de temps j'étais resté à genoux dans le sable, à simplement subir la chaleur environnante, mais bientôt un grand démon s'approcha de celui déjà présent. Il parla à voix basse et celui qui m'était attribué rit.

— Sérieux ? Ha ha ! C'est bon pour nous ça !

Il se leva et se dirigea dans ma direction.

— Ben alors, 27, t'as déjà de la visite ?

— De la visite ? répétai-je sans comprendre.

Il défit mon collier de fer et je soupirai d'aise en sentant le métal s'éloigner. Il m'ordonna ensuite de me redresser et de le suivre. Me relever fut difficile ; étant resté à genoux un long moment, les articulations de ces derniers peinaient à bouger, me causant une douleur désagréable et piquante qui ralentissait mes gestes. Il me fallut du temps pour me mettre sur pied, car en plus de la souffrance, j'étais toujours menotté. Quand enfin je fus debout, je croisai le regard ravi de mon geôlier et détournai le mien.

Il marcha devant moi, me guidant jusque dans le bâtiment, et à l'instant où je me retrouvai au creux des murs épais de la bâtisse et que mes pieds nus se posèrent sur les pierres fraîches, une expiration de soulagement m'échappa. J'avais envie de faire une pause afin de profiter au maximum de ce bien-être paradoxal, mais le démon continua d'avancer et je dus me remettre en mouvement après qu'il m'ait rappelé à l'ordre.

Nous remontâmes dans les étages, sans que leur ambiance se modifie. Tout était triste, gris, et impersonnel. On me poussa dans un bureau dans lequel une table en bois et un large fauteuil en cuir foncé se tenaient sur un grand tapis travaillé avec de somptueuses couleurs. En face, contre le mur, se trouvait une chaise où il m'assit en m'assenant une belle claque sur l'omoplate qui fit perler quelques larmes au coin de mes yeux.

Je m'installai, pas pressé de voir qui débarquerait bientôt pour « me rendre visite ». Je ne savais même pas qu'on pouvait, j'avais toujours pensé que c'était interdit. La porte s'ouvrit de nouveau et j'entendis la voix rauque de Wruk'ko, le démon qui m'avait accueilli, lors de mon arrivée.

— Merci monsieur Dat'ni.

Ces trois mots résonnèrent dans ma tête alors que le battant s'élargissait. « monsieur Dat'ni, monsieur Dat'ni, monsieur Dat'ni », martelait mon cerveau. Il serait stupide d'escompter voir mon père, donc, ce qui semblait le plus probable était la présence de mon grand frère ; Jonas. Et lorsqu'une silhouette passa la porte, je ne sus plus comment agir.

Je me raidis d'instinct me méfiant de cette partie de ma fratrie et quand ses yeux bleus se posèrent sur moi, la commissure de ses lèvres se releva de dégoût.

— J'espère que tu es fier de toi, me lança-t-il d'un ton cassant avant de s'adresser au démon. Vous pouvez nous laisser, attendez dehors.

Un instant, je jetai un regard à mon gardien, prêt à le supplier de ne pas sortir, mais je n'en fis rien. J'avais la quasi-certitude qu'il l'aurait aidé. Lorsque le battant se referma, Jonas s'asseyait sur le fauteuil. Il posa ses coudes sur la table, plaquant sa bouche contre ses mains jointes puis m'observa. Durant de longues secondes, son attention parcourut mon corps sans gêne et je me sentis humilié au plus haut point d'être étudié de cette façon par mon grand frère.

Mirage [MxM] [Terminé]Место, где живут истории. Откройте их для себя