17.1 - La fureur d'un démon [Partie 1]

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 J'avais passé la journée au stand, pas le moins du monde investi dans la vente. En vérité, je ruminais. Il m'avait demandé de lui laisser quelques jours afin de se décider, mais ça ne me plaisait pas. La réflexion était inutile, futile ! Il était fait pour moi au même titre que j'étais né pour lui. Comment ne s'en rendait-il pas compte ?!

Je soupirai une nouvelle fois, grattant le sol de ma chaussure, tout en soulevant une fine couche de poussière qui fit tousser Vali.

— Arrête de te tourner les pouces, gronda-t-elle en tapotant mon épaule du plat des doigts. On a du travail, j'te rappelle.

Je la dardai sans grand intérêt et me levai pour m'éloigner, sans écouter toutes les insultes qu'elle m'envoya dans notre langue natale. Je traînai des pieds jusqu'à l'établissement Néli et m'installai au bar. Je bus seul, entretenant ma mauvaise humeur. La barmaid se planta face à moi, un poing sur la hanche.

— Alors ? Ton malheur sera-t-il assez important pour que tu te ruines chez moi, ce soir ?

— Contente-toi de me servir, même si je ne suis plus capable de passer commande, lui demandai-je en déposant un rubis sur le comptoir.

Elle sourit et hocha la tête d'un air entendu. Jusqu'à ce que la nuit tombe et que les badauds désertent les rues, je ne fis que me soûler, mangeant seulement lorsque Néli m'y obligeait et je regagnai ma caravane dans un état déplorable, aidé par Arath.

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Le lendemain, je décidai de ne pas me laisser abattre. Si l'attente devait s'éterniser, je ne pouvais pas dépérir, au risque qu'il retrouve un démon rabougri comme un fruit abandonné trop longtemps dans le sel. Je revêtis donc mes habits de vendeur habile et fis ce que je savais faire le mieux ; charmer les clients. Nos profits ce jour-là furent satisfaisants, un peu plus nombreux qu'à notre habitude.

Vali et Arath me surveillaient, je le voyais bien et je détestais ça. Je haïssais cette tension qui grandissait dans le clan et au campement. Ils étaient tous sur leur garde, comme si j'allais exploser et recommencer. Comme si depuis, je n'avais pas mûri et appris à me canaliser.

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Le jour suivant, je concoctai des enchantements, bien à l'abri dans la caravane qui était réservée à cette pratique. Nous étions peu à détenir l'autorisation de nous y rendre et même dans le clan, ceux qui n'avaient rien à y faire se retrouvaient repoussés de l'endroit grâce à une protection.

Au moins, dans cette salle qui sentait le souffre, personne ne viendrait m'ennuyer. Autour de moi, les fioles luminescentes, les effluves des ingrédients et les parfums des fleurs cristallisées endormaient ma réflexion. Les yeux mi-clos, j'agissais comme un pantin guidé par le livre de recettes ouvert devant moi.

À la nuit tombée, à table, Arath prit place à mes côtés. Il me servit un verre d'une bière ambrée, qui moussa.

— Alors ? Des nouvelles de ton humain ?

— Je n'ai pas besoin de tes commentaires suffisants, Arath. Tu peux disposer.

Il ricana à ma réplique acerbe puis but une gorgée de vin.

— Disposer ? On est de retour à Nuhun ?

Son rire m'irrita.

— La ferme, crachai-je tandis qu'il se moquait. Si tu viens pour m'ennuyer, pars. Je ne supporte plus ton comportement.

Il entama sa viande d'un bon coup de fourchette, ce qui envoya quelques gouttes de sang sur la table.

— Tu n'as pas ce genre de pouvoir ici, tu le sais très bien. Si tu as à redire sur mon comportement, va te plaindre à ton oncle.

Mirage [MxM] [Terminé]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora