9 - La pythie

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 Surpris, je hoquetai et m'éloignai de lui. Dans mon mouvement, je rompis le baiser et regrettai dans l'instant. Je m'immobilisai une seconde, son regard plongé dans le mien. C'était cruel...

— À la fin des lunes pourpres, quand je m'en irai... Viens avec moi.

La voix ronronnante de Zora bourdonna à mes oreilles. J'eus du mal à lier ce son à la réalité. Il me proposait de partir avec lui ? En premier lieu, une joie immense s'empara de moi ; j'eus envie de l'embrasser à nouveau, de me jeter dans ses bras, mais l'image de Lya passa dans mes pensées.

— Je ne peux pas, déclarai-je, triste à mourir. Je ne peux pas abandonner ma femme à son sort.

Cette règle aussi absurde que tacite, encore en prévision d'empêcher l'extinction de ma race, explicitait que si l'un des conjoints fuyait sans son partenaire, l'autre serait traité comme un paria. Les époux délaissés finissaient à la rue, dans les quartiers sud, car il était impensable de marier à nouveau un humain n'ayant pas réussi à garder sa moitié. C'était une tactique féroce qui dissuadait les exodes et elle fonctionnait à merveille. Pour preuve ; je refusais que Lya vive de cette façon et surtout par ma faute.

Il raccourcit l'espace entre nous et logea son visage dans mon cou. Je savais que ma réponse ne lui plaisait pas, à vrai dire, je n'étais pas satisfait non plus... Mais je ne pouvais rien lui promettre de ce genre.

Derrière nous, la représentation prenait fin. Je m'éloignai en même temps que la végétation s'évanouissait sous les applaudissements du public auquel nous nous joignîmes. Mes larmes s'étaient taries, mais mon cœur était devenu bien plus douloureux.

Tandis que les performeurs saluaient les spectateurs, le dôme de nuit disparaissait lentement afin que nous puissions nous habituer à la lumière du jour. En quelques minutes, de retour dans le climat désertique, je rabattis une nouvelle fois ma capuche, car mon corps se réchauffait.

— Je n'ai pas entendu la fin de l'histoire, dis-je pour passer à autre chose.

— Je suis désolé. Je peux te la raconter si tu veux.

Tandis que nous remontions vers le marché, il me conta les derniers moments de la légende. Après l'entrevue avec Flicka, les membres de sa famille organisèrent une grande fête en l'honneur de l'affection qu'elle portait sur le monde malgré leurs agissements. Ils répétèrent cette célébration tous les ans et à notre époque, elle existait toujours. Cependant, les siècles passant, son sens évolua. On connaissait désormais Flicka comme une déesse mineure de l'amour, de la féminité et de la beauté. Elle possédait une multitude de fidèles dans cette région où le peuple l'avait élevée au rang de divinité.

Nous visitâmes quelques rues et leurs boutiques temporaires, ce qui permit de calmer la douleur qui crispait mon cœur, avant de nous rendre à un petit restaurant. Je savais que mes actions se traduiraient par encore plus de malheur dans quelque temps, mais je voulais profiter de la présence de Zora au maximum.

Ce soir-là, je dînai avec lui dans un établissement itinérant servant des spécialités de Nah'la. Il me conseilla tout au long de la soirée, que ce soit au sujet de la nourriture, des boissons ou des accompagnements. Il me parla une nouvelle fois de cette ville que je rêvais de visiter et je bus ses paroles sans en perdre une goutte.

Après le repas, je dus me résoudre à le quitter. Je n'en avais aucune envie, mais Lya devait s'inquiéter. Nous n'avions pas abordé mon coup de déprime de plus tôt et je l'en remerciais. Ma situation était déjà assez risible comme ça, pas besoin de remuer le couteau dans la plaie.

— On se revoit demain ? me demanda-t-il en embrassant le dos de ma main.

— Oui, affirmai-je.

Il se pencha, déposa un baiser sur ma joue et me chuchota :

Mirage [MxM] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant