Lola : rendez-vous sous la lune

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18 heures. J'avais dormi toute la journée...

Je m'extirpai du lit, la tête lourde. Il faisait déjà nuit. Hide... j'avais raté le créneau pour l'appeler. À l'aube, lorsque Uchida m'avait raccompagné, il m'avait annoncé qu'on avait transféré Hide dans une prison à Sapporo, très loin dans le nord. J'avais pleuré dans ses bras, découragée. Comment allais-je m'organiser, avec mon ventre de plus en plus énorme, la fatigue qui allait avec, le boulot que j'avais ici ? Et tout cela après ce qui s'était passé avec Kinugasa. Je savais que le Yamaguchi-gumi était de l'histoire ancienne, pour nous. Tous, Hide comme moi, ainsi que tout le clan Ôkami, étions désormais sur leur liste noire. Kinugasa était à l'hôpital, surveillé par un flic qui devait le conduire en taule dès qu'il irait mieux. Uchida m'assurait qu'il ne ferait pas de deuxième tentative envers moi — du moins, pas officiellement —, et il avait renforcé la protection policière autour de la maison. Mais le retour à la vie « normale », celle que j'avais avant l'emprisonnement de mon mari, me paraissait désormais difficile. Pour ne pas dire impossible...

Mon téléphone se mit à vibrer. Masa, qui, apparemment, en était à sa dixième tentative de la journée. Je ne décrochai pas. Mon cours de danse commençait dans une heure. Et c'était tout ce qu'il me restait.

Je me passai de l'eau sur le visage pour faire dégonfler mes paupières, tentai de me bricoler un visage à peu près acceptable. Puis, mes affaires de danse sous le bras, je pris la direction du studio. Je croisai les flics en faction au passage. Ils m'arrêtèrent pour me demander où j'allais : je leur montrais la rue en face, de l'autre côté de l'avenue.

— Je vous accompagne, décida l'un d'eux.

Et il m'escorta jusqu'à l'entrée du studio.

— Merci, lui dis-je en arrivant en bas de l'escalier qui menait au double appartement d'Anfal. Je crois que je ne risque plus rien maintenant.

— À quelle heure vous finissez ? Je vais revenir vous chercher.

— Dans une heure et quart, répondis-je.

— D'accord. Je serai là.

Et, raide comme la justice, il fit demi-tour. Je le regardai partir avec un sourire désabusé. Comme si ce jeune flic pouvait faire quoi que ce soit contre une voiture de soldats yakuzas déterminés, armés de mitrailleuses automatiques... mais je doutais que le Yamaguchi-gumi en soit là. Pas encore, du moins.

J'ouvris la boîte à code, surprise de ne trouver aucune clé dedans. Il n'y avait qu'une enveloppe à mon nom, contenant un mémo et un article plié en deux. Je commençai par le mémo.

Lola,

Hiromi-san a porté à notre connaissance certains éléments qui compromettent grandement la fonction que tu occupes dans la communauté de Sun & Moon Bellydance Japan. J'ai pris la décision d'en informer Anfal à Bali. Elle a décidé, pour ne pas mettre en danger la survie de notre école, de mettre fin à son accord avec toi. Par ailleurs, je dois t'informer que tu es également exclue de la troupe et que tu ne peux plus être élève chez nous, dans aucun de nos cours. J'espère que tu comprends cette décision. Elle prend effet maintenant.

En te remerciant pour tous les services que tu as rendus à Sun & Moon,

et te souhaitant tout le meilleur pour la suite,

Mavi, directrice intérimaire de Sun & Moon Bellydance Japan

Je n'avais pas besoin de regarder l'article. Je le froissai en boule et le replaçai dans la boîte, avec la lettre.

*

— T'as vu ce qu'ils racontent dans ce torchon ?! hurla Hanako.

J'éloignai le combiné de mon oreille, puis mis le haut-parleur, décidée à laisser déblatérer Hanako le plus loin possible de mon canal auditif. De toute façon, j'avais une valise à faire.

L'HÉRITIÈRE DU YAKUZA (sous contrat d'édition chez BLACK INK)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant