Hide : Yonoi

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Assis sur un banc de la cour extérieure, les mains croisées entre ses genoux et le regard sombre, Hide réfléchissait à la visite de Lola.

Uchida-san m'aide bien, je dois l'avouer. Mais il ne peut rien faire ces nuits où j'ai tellement envie d'un homme que je me tords dans mon lit sans pouvoir me soulager.

Il secoua la tête en maugréant. Pourquoi au juste Lola lui avait-elle dit une chose pareille ? Son comportement, de manière générale, avait été radicalement différent des autres fois. Il avait senti qu'elle n'en pouvait plus, qu'elle était à bout. Peu de femmes de yakuzas supportaient la pression et les délais interminables d'un mari en prison. Et Lola était jeune, enceinte et étrangère à ce monde.

Ne commence pas à douter d'elle, se résolut-il. Elle a dit ça pour te faire enrager. Depuis le temps, tu la connais.

Et ça avait fonctionné. Elle avait même réussi à lui extorquer une promesse, une promesse qu'il aurait bien du mal à tenir... Sans compter que son corps privé de sexe avait réagi au quart de tour. À la seule mention de ce que lui avait proposé Lola, il était devenu raide et dur comme une poignée de katana. Encore maintenant, en se souvenant de la sensation des lèvres de Lola sur sa queue, de la façon dont elles l'enserraient, il bandait douloureusement.

— C'était ta femme ?

La voix, aussi familière que déplaisante, hérissa le poil de Hide.

Elle, pile au moment où je pense à Lola...

Arisawa était plantée devant lui, lui cachant la maigre lumière du soleil sibérien. Il ne l'avait même pas entendue arriver. C'était à croire qu'elle était tout le temps dans son ombre, comme un mauvais fantôme. L'avantage, c'est que cette intervention malvenue lui avait fait perdre son érection.

Hide releva le visage vers elle. L'inspectrice le fixait, un sourire ironique sur son visage racé.

— Une vraie petite pute, si tu veux mon avis, ajouta-t-elle.

Justement, je ne te l'ai pas demandé.

Hide pensa si fort qu'il se résigna à subir une semonce. Mais Arisawa vint s'asseoir à côté de lui.

— Je comprends que tu sois dépité : j'ai entendu toute la conversation, fit-elle avec un faux air désolé. Ces Occidentales sont assoiffées de sexe. Elles n'en ont jamais assez. Tu lui suffisais peut-être tant que tu pouvais la satisfaire tous les soirs, mais maintenant... Les Japonaises sont beaucoup plus pures !

Hide tourna un visage ostensiblement dégoûté vers elle. C'était la première fois de sa vie qu'il entendait une femme parler ainsi. D'une autre femme, en plus... Quel était le problème de celle-là, exactement ?

— Je n'ai pas envie de parler de ma vie privée avec vous, officier, lui dit-il.

L'inspectrice haussa les épaules.

— Je ne faisais que te conseiller. C'est notre rôle, à nous autres fonctionnaires du gouvernement, de vous donner la bonne direction pour vous réinsérer dans la société. As-tu déjà pensé au gâchis incommensurable qu'est ta vie ? Une existence de malfrat, à te vautrer dans l'alcool, le crime et les pétasses, alors que tu aurais pu mener celle d'un citoyen exemplaire, avec un travail honnête, marié à une Japonaise de pure race qui t'attendrait sagement à la maison. Je parie que cette gaijin ne sait même pas faire la cuisine... je me trompe ?

Hide reporta son regard sur la cour. Cela ne servait à rien de démentir. De toute façon, cette femme avait déjà catégorisé Lola.

De l'autre côté, il aperçut le regard agressif de ses codétenus. Ils étaient jaloux... tout ça parce que la prétendue « visiteuse de prison » lui parlait, à lui. Personne n'avait le droit de le faire tant qu'elle ne les interrogeait pas. Déjà que ses camarades de cellules lui pissaient froid... Sa réputation de yakuza « tueur de boss » le précédait. Cette Arisawa, en le harcelant ainsi, ne faisait qu'aggraver les choses. C'était peut-être son but, d'ailleurs.

L'HÉRITIÈRE DU YAKUZA (sous contrat d'édition chez BLACK INK)Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora