Lola : l'oracle

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Miyazaki, terre des dieux. C'est, du moins, ce qu'il y avait marqué à l'aéroport, sur un panneau présentant une photo d'une nature digne d'un film d'animation du réalisateur du même nom. D'après le guide touristique, c'était ici, sur cette pointe dans la mer, que les dieux du Kojiki — Izanagi, Izanami, Amaterasu, Susanoo et toute la bande — s'étaient posés lorsqu'ils étaient descendus du ciel. Ou plutôt, sur les montagnes de Takachiho, que l'on pouvait deviner du tarmac, loin dans la brume.

Mais je n'étais pas venue pour faire du tourisme. J'étais là pour me réfugier, oublier ma situation, et passer les derniers mois de ma grossesse en sécurité. Je ne comptais remonter à Tokyo que pour l'accouchement, où ma mère et ma sœur devaient me rejoindre pour me donner un coup de main avec le bébé. C'était ce que j'avais prévu. Tout cela sans Hide, évidemment.

Hanako m'attendait derrière les portes qui séparaient la zone de débarquement du reste de l'aéroport, vêtue d'un manteau rouge vif qui faisait ressortir sa peau pâle et sa chevelure de jais. Sans se préoccuper du regard des autres passagers, elle se précipita dans mes bras dès qu'elle me vit.

— Bienvenue à Miyazaki, m'accueillit-elle. Tu vas voir, ici, il fait plus chaud qu'à Tokyo.

J'avais peine à le croire, vu son manteau en laine bouillie.

— Y a du vent, confirma-t-elle. Mais je t'assure que le temps est différent. T'as vu papa ? Comment il va ?

Je baissai la tête, un peu honteuse. En fait, je me sentais coupable. Je n'avais pas été très sympa avec Hide la dernière fois que je l'avais vu. Sur le moment, j'avais éprouvé une telle colère... surtout, je ne me doutais pas que je serais obligée d'évacuer Sapporo aussi vite. Si je l'avais su, j'aurais sans doute été plus gentille avec mon mari emprisonné.

Mais je ne voulais pas dire tout ça à Hanako.

— Il tient le coup, lui dis-je. Tu le connais. Il n'a que notre sécurité à la bouche. Et ta mère ?

Le visage de Hanako s'éclaira.

— Elle va beaucoup mieux. Tu ne vas pas la reconnaître, je crois !

Je réussis à répondre au sourire à Hanako. J'étais heureuse de savoir que sa mère allait mieux, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'éprouver une sorte d'inquiétude. Qu'est-ce qui allait se passer, si Miyabi récupérait complètement ?

— Elle est chez Mme Yasugochi, m'apprit Hanako. C'est là qu'on va.

La chamane... je l'avais complètement oubliée. J'étais curieuse de la rencontrer, mais l'idée de le faire maintenant, sans préparation préalable, m'angoissait.

— Quoi, tout de suite ? Elle est prévenue ?

— Oui. Sa maison n'est pas loin de la nôtre. Tu pourras poser tes affaires avant.

Aucune échappatoire, donc.

La maison de la chamane ressemblait à n'importe quelle autre maison japonaise. Elle était entourée de rizières, envahies de lourds épis de riz ployant sous les grains jaunes, et parsemées des lignes rouges des amaryllis qui indiquaient une récolte imminente. Les nombreux dépliants que j'avais lus dans l'avion m'avaient appris que dans cette région méridionale, la récolte était plus tardive qu'ailleurs.

Je me verrais bien vivre ici, songeai-je en regardant les maisons espacées entre les champs et l'ombre des montagnes au loin.

Puis je repensai à Hide. Est-ce qu'il allait sortir un jour ? Combien de temps allais-je devoir l'attendre comme ça ?

L'HÉRITIÈRE DU YAKUZA (sous contrat d'édition chez BLACK INK)Where stories live. Discover now