Lola : le chemin du nord

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Vous ne reverrez jamais votre mari.

Voilà ce que la chamane m'avait dit à Saito. Et j'étais là, face à une fonctionnaire antipathique, qui m'affirmait que mon mari était mort.

Elle s'était présentée comme une certaine Arisawa, adjointe au procureur Maeda. Le fameux Maeda, qui, après avoir rejeté toutes les demandes de recours en appel de Hide, l'avait envoyé dans cette prison glaciale, loin de tout... Dans ce no man's land sinistre où il était mort, si on en croyait cette femme.

C'était, selon ses dires, la dernière personne à l'avoir vu vivant.

Elle planta ses yeux froids dans les miens.

— Je suis désolée.

Tout dans son ton, son attitude, démontrait le contraire.

Surtout, je n'y croyais pas une seconde. Cette femme mentait : j'en aurais mis ma main à couper.

— Je ne comprends pas. Comment... comment est-ce arrivé ?

Arisawa me jeta un coup d'œil faussement ennuyé, puis elle baissa les yeux vers le dossier en face d'elle.

— Je vous l'ai dit : votre mari a tenté de s'enfuir, dit-elle en croisant ses longs doigts blancs. J'ai essayé de le dissuader, de l'arrêter...

— Comment ? répétai-je, impitoyable.

Je ne voulais pas lâcher le morceau. Cette femme essayait de m'embrouiller. Je ne la sentais pas du tout. Depuis le début de l'entrevue, avec son visage parfait, ses faux airs innocents et son maquillage strict qui cachait ses vrais sentiments comme un masque. J'avais vu cette lueur dans ses yeux, celle de la duplicité, du mensonge. Il y avait une espèce de joie sadique à m'annoncer ces horreurs chez elle, et j'ignorais pourquoi.

Au téléphone, Uchida n'avait rien voulu me dire. Mais elle, elle allait le faire. Elle était la dernière femme à avoir vu Hide vivant, prétendait-elle ? Si c'était le cas, elle me devait des explications.

— Le détenu numéro 1249 est resté sourd à mes tentatives de sommation, asséna-t-elle, le regard minéral. J'ai donc été obligé d'utiliser la force.

— Vous lui avez tiré dessus, susurrai-je, les yeux plissés par la colère.

— Il me menaçait. Je n'avais pas d'autre choix.

— Hide n'aurait jamais menacé une femme : c'était contraire à son code personnel !

— Le détenu 1249 était un criminel, je vous rappelle. Je n'ai fait qu'exercer mes prérogatives, et faire respecter la loi.

— Il a un nom, répliquai-je en abattant mon poing sur la table. C'est vous la criminelle, à tirer à vue sur un homme innocent ! Hide n'a tué personne, et son procès est en révision !

Arisawa se fendit d'un petit sourire.

— Hum. Pas trop de self-control, à ce que je vois... Je me doutais que vous seriez comme ça.

— Comme quoi ? rugis-je. Vous venez de m'annoncer la mort de mon mari par votre main, sale conne !

Les prunelles noires d'Arisawa flamboyèrent.

— Attention à ce que vous dites... Et laissez-moi vous apprendre qu'aucun yakuza n'est innocent, pauvre sotte. Vous deviez forcément savoir où vous mettiez les pieds, et que votre mari se prendrait un mauvais coup un jour ou l'autre.

L'HÉRITIÈRE DU YAKUZA (sous contrat d'édition chez BLACK INK)Where stories live. Discover now