SCUDERIA ADESSI - 0 POINTS

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Mes ongles sont dans un piteux état, tant je me les ronge. Trente tours viennent de passer, et bien arrimé à mon tabouret, je ne quitte pas le moniteur devant moi. Des stands, je suis la course sans même ciller. J'ai la gorge sèche, mais boire reviendrait à quitter mes yeux de l'écran. Chose impossible. Je préfère mourir de soif. Riccardo non loin de moi, je m'étonne qu'il suive lui aussi scrupuleusement chaque étape.

Pour l'instant, tout nous sourit. Lorenzo garde sa place de meneur. Liam a rencontré quelques difficultés, mais il a réussi à repasser en deuxième position. J'ai cru perdre mon cœur lors du lancement de la course. Le premier virage a été une angoisse permanente. Heureusement, rien n'est arrivé aux pilotes de la Scuderia. En revanche, Clay a réussi à doubler deux monoplaces. Il est maintenant quatrième et ne lâche pas le coureur Allemand. Je scrute les secondes qui séparent Lorenzo de Clay. L'écart s'est creusé. Nous sommes en tête, mais tout n'est pas joué. Le pit stop(1) doit avoir lieu dans un tour, et nous savons qu'il doit être parfait. Chaque arrêt au stand fait perdre du temps aux pilotes, alors j'espère que le staff est prêt pour péter le record. Je me tourne d'ailleurs vers eux. Tous rivés à l'écran de télévision, ils ne manquent rien de la course. José à ma droite continue d'indiquer les infos à Lorenzo. Adrian sur ma gauche, se charge de Liam. Moi, je suis tous leurs échanges avec mon casque. Je ne parle pas. Ce n'est pas mon rôle. Un seul mot de ma part pourrait les déconcentrer. Et pourtant... ce n'est pas l'envie qui me manque. En revanche, je suis les conversations des autres ingénieurs de courses avec leurs pilotes. Et je n'ai rien loupé de l'abandon d'Alexandre Meunier suite a un problème moteur. Je n'oublie pas non plus les hurlements de joie de mes mécaniciens dans mon dos au moment où sa monoplace s'est soudain arrêté d'accélérer.

MacLean ne dispose maintenant que d'un pilote en lice. Clay s'accroche comme une tique. Il a dans l'espoir de doubler Müller. Toutefois, pour notre plus grand plaisir, l'Allemand ne se laisse pas faire.

— Box, box box ! scande José à ma droite.

C'est le moment. Je ne quitte pas des yeux mon écran, Lorenzo s'engage aussitôt dans la voie des stands. Son obligation de rouler à soixante kilomètres-heure me contracte le ventre. Je ne rate pas le chrono, mais quand la voiture arrive dans mon dos, je me tourne, le souffle coupé. Lorenzo se stoppe, et les techniciens enchaînent. Les pneus sont changés en un claquement de doigts, le plein est remis, et aussitôt, il repart.

— Deux secondes cinq ! hurlé-je pour la team.

La plupart des hommes lèvent leur poing en signe de victoire. Mais aussitôt, ils se préparent pour le second arrêt. Liam suit dans la foulée sous l'instruction de son ingénieur de course. Là encore, tout file rapidement. Et c'est à peine trois secondes qui s'écoulent. Le cœur tambourinant, je souris au staff. Ils sont en joie et ils ont de quoi être fière d'eux. Nous ne perdons pas de place. Lorenzo garde la tête de la course, suivi par Liam. Une voix dans mes oreilles me fait soudain me concentrer. À l'affût depuis le début, je ne loupe aucune conversation des écuries adverses. Nous avons tous le droit d'écouter ce que l'un ou l'autre se raconte, créant parfois des stratégies improbables pour troubler les rivaux, comme le fait d'annoncer un arrêt au stand qui n'aura jamais lieu. Toutefois, j'écoute cette fois-ci avec attention, car l'ingénieur de Maclean informe Clay des arrêts de Lorenzo et Liam. Le pilote ne répond pas, mais je l'entends ajouter :

— Plan B.

J'ignore leur stratégie, et c'est la raison pour laquelle ce sport est si prenant. Il ne m'a fallu que d'une demi-course pour être moi aussi prise par tout cet élan. Clay peut avoir eu plusieurs instructions en fonction des autres pilotes. Cela ne m'étonne presque même pas lorsque je vois sa voiture filer dans la voie des stands. Il passe devant moi et s'arrête quelques mètres plus loin. Aussitôt, les mécaniciens MacLean s'activent, mais l'un deux semble avoir un problème. Les dixièmes de secondes filent à vive allure jusqu'à ce qu'enfin Clay ait le feu vert pour démarrer. Sur le chemin pour retrouver le circuit, je l'entends pester, demander à son ingénieur ce qui vaut un arrêt si long. Ce dernier se confond en brèves excuses, tandis que mon sourire ne quitte pas mon visage. En me tournant vers le staff, je remarque même les yeux brillants de Riccardo. Il jubile. Bien que cet idiot me gonfle, j'avoue tout de même qu'il reste présent pour suivre la course et que chaque petite victoire semble le ravir.

POLE POSITIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant