CHAPITRE 3 | Heather

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❄︎ 𝐇𝐄𝐀𝐓𝐇𝐄𝐑 ❄︎

            Je tremble d'excitation, de colère ou de peur, je ne saurais dire. En face du miroir mural de ma chambre étudiante, je détaille ma longue robe rose pâle près du corps. Les fines bretelles tombent gracieusement sur mes épaules dénudées. Le tissu est fin, il ne cache pas grand-chose de mon corps d'un mètre soixante-douze, mais ça ne me dérange pas, je n'ai rien à cacher. Plus maintenant.

Depuis mon arrivée sur le campus, je joue et rejoue la même scène dans ma tête. Celle où j'ai jeté avec mépris mon mégot sur la vitre protégeant l'insupportable visage d'Alexander. Je ne m'attendais pas à le voir de sitôt, je n'ai pas eu le temps de préparer mon interaction avec lui. Mais lorsque son regard émeraude s'est accroché au mien, je n'ai pas pu résister.

Je m'en rends compte à présent, je n'ai absolument rien digéré de ce qu'il s'est passé entre nous il y a trois ans. J'ai seulement enfoui tout ça au fond de moi. Mais son retour dans ma vie me sort de mon déni permanent. Une chose est sure, ma colère est intacte.

- Prête ? demande Skyler.

Elle porte une sublime longue robe sombre qui lui a été offerte par Stan... encore. Il est ridiculement riche et n'hésite pas à faire pleuvoir sa fortune sur Sky. Je suis vraiment heureuse pour elle, et pas du tout jalouse.

- Deux petites secondes, je réponds en me détournant de mon reflet.

Je m'installe sur mon lit afin de sortir ma boite de médicament pour prendre mon traitement. Avec ces émotions puissantes qui me parcourent le corps ces temps-ci, je dois faire particulièrement attention. La vengeance, aussi douce soit-elle pour mon cœur, n'est pas forcément la meilleure des idées lorsqu'on a un état mental aussi instable que le mien. Mon psychiatre s'arracherait probablement les yeux s'il me voyait tout de suite.

Je fais descendre les cachets avec un peu d'eau, puis attrape mon masque pour les yeux. C'est un bibelot que j'ai acheté aux magasins de déguisement du coin, mais il est joli. Il ne cache rien de mon identité, ce n'est pas ce que je recherche, mais c'est un ensemble d'arabesque métallique argenté. Il s'accorde avec mes sandales à talon de la même couleur qui me grandissent encore plus que je ne le suis déjà.

- Prête, annoncé-je en me lavant à nouveau pour m'avancer vers la porte de notre chambre.

Mon miroir me renvoie une dernière image avant de sortir, et je me demande réellement comment j'ai pu douter de moi-même pendant toutes ces années.

Qu'est-ce qu'il est facile de croire les critiques lorsque l'on a connu que ça. Enfant, je n'avais pas d'objectivité, j'étais ce que l'on disait de moi. La sorcière et la crasseuse en primaire, puis l'anorexique, la perche et la planche à pain au collège.

Alors je n'aimais pas mes cheveux, indisciplinable et flamboyant, ils étaient à l'origine de la sorcière. Je détestais les quelques taches de rousseurs sur les arrêtes de mon nez, elles étaient la raison de la crasseuse. Puis j'ai haï mon corps trop mince, ma peau trop claire, ma taille trop grande, l'anorexique, la perche et la planche à pain. Mais je détestais aussi mon nez, il était trop grand et la petite bosse en haut me dégoutait, je trouvais mon profil disgracieux.

Finalement, chaque caractéristique de mon apparence est devenue détestable parce qu'elles étaient à l'origine de critiques, de moqueries, d'humour noir. Sans ces petites voix mesquines, je ne les aurais même pas remarqués. Mais j'ai toujours attiré la méchanceté gratuite, je n'ai jamais compris pourquoi. Peut-être qu'un jour je comprendrais, pourquoi moi et pas les autres.

Puis, retournement de situation, le lycée est arrivé. Trop tard, malgré tout ce qu'on pouvait me reprocher, j'étais devenu joli, et c'était presque impossible à ignorer. C'est fou à quel point chaque détails critiquables de notre physique peut ensuite servir à créer une si belle harmonie.

NOSTALGIA #2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant