𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 5

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J'ouvre les yeux en sursaut, et secoue la tête pour me réveiller. J'ai la sensation étrange qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Je regarde autour de moi, et à ma grande surprise, il n'y a personne. L'écouteur de Lucifer est toujours dans mon oreille, mais c'est une musique différente, donc j'ai dû dormir pendant quelques minutes. Le car ne roule plus. Je cherche mon téléphone mais ne le trouve pas, réalisant que j'ai dû le laisser sur ma table de chevet en partant. Je me détache et me lève, les yeux encore piquants de sommeil, et la panique commence à m'effleurer. Je me dirige vers les portes et essaye de les ouvrir, mais sans succès. Une voix s'élève alors dans le fond.

« Ils sont déjà parti. »

Je fronce les sourcils. Il semble avoir mon âge, peut-être un peu plus vieux.

« Je ne comprend rien. On est au parking du bus ? Et qu'est-ce que tu fais là ? Qui es-tu en fait ? »

Il rigole un peu, et ça me paraît étrangement réconfortant. Ou alors je deviens folle, c'est possible aussi.

« Respire, tout va bien, pas plus de trois question ! Oui, on est au parking, le chauffeur ne t'a pas vue. Moi non plus, mais c'est parce que je me cachais. »

Je fronce les sourcils. Pas plus que trois questions ? C'était une vanne où il est sérieux ? Ce serait trop étrange pour être sérieux. Et que fait-il ici ? Il voulait rester avec moi ? Est-ce que je le connais ? Je demande alors en un mot, en un court résumé de toutes mes pensées, la question qui me donnera sûrement les réponses :

« Pourquoi ? »

Il arrête de sourire, radicalement. Son dos semble gonfler, comme s'il se penchait sans bouger la tête. Je recule, le trouvant un peu inquiétant, et il s'approche. Ses pas sont secs, sûr et précis. Il vient vers moi. Sa bouche s'ouvre, en peut-être trois fois la taille initiale, droit vers mon visage. Je le repousse, en criant, secouée de peur. Il disparaît, et son rire, pourtant si amical, résonne partout.

« Il n'y a rien que tu puisses faire pour empêcher tout ça d'arriver. »

Je croise mon reflet. Mais ce n'est pas le mien. C'est le sien.

« Ce n'est qu'une réflexion. »

Il sort de la vitre, ses bras s'enroule autour de mes bras que je garde haut en défense. La vitre se brise alors qu'il s'en échappe, et j'entends le même bruit derrière. Et sur le côté. Et l'autre côté aussi. Les trois nouveaux lui se jettent sur moi. Je ferme les yeux, et les ouvrent de nouveau, dans un sursaut inhumain. Mais il n'y a rien. Rien que le car à l'arrêt, les gens dedans qui en sortent, le chauffeur qui siffle en attendant, et Lucifer qui fronce les sourcils et s'inquiète.

« Qu'est-ce qu'il t'arrive ? »

Je suis essoufflée. Je pose ma main sur mon cœur, qui s'emballe, et essaye de respirer normalement. Petit à petit, j'y arrive. Je me pince l'arête du nez, me forçant à sourire, un peu.

« Rien, rien...un mauvais rêve.

-Tu dormais si profondément ?

-Il faut croire, oui. »

Je secoue la tête, et me lève, le laissant également sortir. Il ne me lâche pas du regard, sûrement pas rassuré. Ce qui n'est pas si étonnant, en fait, vu le bond que je viens de faire. Je descends du bus, appréciant l'air sur mon visage en feu. Je blâme le chauffage pour la forme, mais sais très bien que c'est juste la panique acide que je viens d'expérimenter qui fait cet effet. Pas une seconde de répit pour me remettre de l'évènement, car aussitôt je suis comme prise en otage par des cris venant de partout. Joie, colère, exaspération, c'est de tout mais aussi de rien. Juste une autre journée, harassante et méchamment longue. Lucifer montre le chemin, traverse la foule agglomérée devant le collège comme s'il était Moïse, et entre dans l'enceinte du bâtiment, moi sur ses talons. Voyant la difficulté que j'ai à passer, il me prend le bras et me tire. Je ne me débats pas, et accepte l'aide avec joie, au contraire.

A peine dans le hall, je me jette vers le panneau d'absence, voir si un professeur aurait la gentillesse et la prévention de tomber malade. Mais non, égoïstement, et ça m'attriste. Dépitée, je vais m'assoir sur un des sièges encore vides, attendant mon heure. L'horloge numérique en face m'annonce qu'elle ne résonnera que dans quelques minutes. Six, pour être précise. Lucas me regarde, et souffle du nez, sûrement plus par pitié que par vrai amusement.

« Tu me fais de la peine. »

Qu'est-ce que je disais ? Je secoue la tête, lui signalant que ce n'était même pas la peine.

« Laisse moi mourir. »

Je me redresse pour le regarder. Il est là, immobile, à contempler les alentours sans pour autant s'y abandonner, comme si je valais plus.

« Tu me tiens compagnie ? »

Il baisse les yeux vers moi. Son visage s'éclaire, réalisant que je ne suis pas vraiment morte. La magie de Lucas, c'est qu'on dirait qu'il prend toutes les mauvaises nouvelles au premier degré, surtout quand c'est une vanne. Quand il réalise que non, il est content. Un vrai golden.

« Bien sûr ! Tu veux que j'aille où ?

-Avec Alice. Ou Jack. Ou Hélène. Ou Mel. Ou Fred. Ou Sam. Ou Max. Ou...

-Ouais, tu peux t'arrêter là. »

Je hausse un sourcil, attendant la raison de pourquoi il n'y va pas, alors qu'ils sont tous bien plus intéressant que la personne que je suis. Enfin, personne...Morte-vivante serait un terme plus exact, mais je suppose que l'on ne s'en tient plus aux détails.

« Ils ne sont pas toi. Et puis, ils m'ennuient.

-Ils parlent bien pourtant.

-Oui, mais un grand philosophe a dit un jour « ton silence vaux mille de leurs mots. »

-Quel philosophe ?

-Moi. »

Un sourire fier se dessine sur son visage comme s'il était un dessin. Mais c'est un artiste très précis qui vient de le tracer. Je souris, m'apprêtant à sortir la phrase la plus intelligente de tout ma vie, mais la sonnerie la mange comme une pomme, et je me retrouve qu'avec les pépins, et une vieille tige. Non, en fait, c'est moi la vieille tige. Il rigole un peu, et attrape mon sac à dos avant de fuir vers notre classe. Il se croit malin, et pense que je suis obligée de le suivre, mais aux dernières nouvelles, si je ne vais pas en cours, je n'ai pas besoin de mon sac. Et si je n'ai pas mon sac, je ne vais pas en cours. Il vient de m'offrir une super excuse qu'il a prit pour une bombe. Quel mauvais méchant il ferait.

Je ferme les yeux, mais il attrape mon bras et me ramène sur sa route, sans pitié. Je grogne et peste dans ma barbe, bien qu'il n'en n'a que faire. Pire encore, je vois bien que ça lui arrache un sourire, fier de me faire râler.

ꈤꍟꂵꍟꌗꀤꌗWhere stories live. Discover now