𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 9

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Je me réveille, la tête dans du coton, ou dans du lait, dans une impression de douceur intense. Je subodore une odeur d'encens, tandis qu'un courant d'air parfait vient caresser mes cheveux et mon visage, encore endormi. L'oxygène empli mes poumons, sous ma surprise tant il semble léger, pur, excellent. La lumière est douce, et l'odeur de la pièce est un mélange de bois et de fleur, aéré. Quand enfin je peux voir, je ne suis qu'émerveillée.

Des grandes fenêtres sont ouvertes, des rideaux blanc crème balayent le parquet brut, verni. Un bureau en bois est collé contre un mur en pierre, un bouquet de diverses plantes colorées qui me sont inconnues dessus, ainsi qu'une pile de livres semblables à des grimoires. Une étagère en est pleine. Ils sont propres, sans un grain de poussière, mais paraissent endormi depuis des années, comme jamais ouvert. Je suis dans un lit immense, sous une couverture jaune, orange, tirant un peu même vers le rouge. Une couleur que je ne connais pas. Des bougies sont éparpillées ici et là, sur un coffre et en haut d'une armoire. Une grande porte en verre ou en cristal, taillée comme dans du bois, et ouverte, et quelqu'un finit par s'y présenter, un sourire radieux comme je n'en ai jamais vu sur son visage aux proportions parfaites.

« Enfin réveillée ? »

Je ne dis rien. Je cligne des yeux plusieurs fois, et la douce brume dans mon esprit finie par un peu se lever. Elle s'avance, à lent pas nus sur le parquet, comme si j'étais un faon qu'elle voulait apprivoiser.

« Ne t'inquiète pas, tu es en sûreté. »

C'est mignon, mais je ne compte pas y croire de suite. D'ailleurs, je voudrais être sur mes gardes, mais une partie de moi est rassurée dans l'environnement qui m'entoure. La clarté, ou la propreté peut-être ? Je ne sais. Mais mon souffle est calme, comme si la situation m'était familière. Mais il y a autre chose, comme si j'étais ici dans un autre monde qui ne pouvait pas m'atteindre, et que je le savais. J'ouvre la bouche, cherchant un peu avant de commencer un son qui sonne bien plus fort que ce à quoi je m'attendais. C'était comme si le bruit se diffusait bien plus facilement que d'habitude, comme si tout se répercutait contre les meubles en verre. Je repris, plus doucement :

« Où suis-je ? »

Elle fronce les sourcils, à priori surprise de ma question, mais garde ce beau sourire rassurant sur ses lèvres roses.

« Dans un rêve, bien sûr ! »

Etrangement, sa réponse ne me choque pas. Elle a raison, et je le sais, parce que je ne distingue pas bien ce qui m'entoure, n'étant pas vraiment réveillée. J'ai cette impression d'être sur un trampoline, que chaque idée rebondit, sans jamais s'écraser. Cette impression que j'ai plusieurs chances, plusieurs vies. Cette impression d'être un peu immortelle, et pourtant éphémère. A cette pensée, un papillon bleu passe sous mes yeux. Ses ailes semblent briller, comme deux lanternes. Il bat un peu des ailes avant de repartir plus loin, sous mon regard émerveillé. Elle sourit.

« Tu es ce qu'on appelle une Echouée. »

Je tends la main dans l'air, comme pour l'attraper. Je sens le vent, la fraicheur exquise de la fine brise, la douce chaleur des rayons de soleil. C'est un rêve plutôt réaliste, qui me rappelle ceux qui nous donnent l'impression de respirer sous l'eau. Est-ce que je pourrai ? Peut-être.

« C'est joli ici. »

Ce n'est qu'un souffle, pourtant ma voix me paraît toujours aussi forte.

« Peut-être plus pour longtemps.

-Comment ça ? »

Je rabaisse mon bras, la scrutant de mon regard à présent inquiet.

« Contemple le monde, et découvre. On en parlera après. De toute façon, tu as toute une nuit de ton monde, il y a le temps. Surtout qu'il est différent ici. Mais, tu dois le savoir...Tu as croisé l'Horloger, non ? »

J'essaye de me souvenir d'un homme, sans succès, avant de me rappeler du monstre de l'endroit noir. Je me redresse, chassant la couverture pourtant très confortable -mais là n'était pas le problème- et me découvre dans une tenue bien différente que celle que j'avais. Je me trouve dans une jolie chemise, blanche, toute fine et parfaitement bien taillée. Elle retombe sur ma peau délicatement, sans froissure, et paraît toute élastique. Je souris, naturellement.

« Je suis arrivée comme ceci ?

-Non, tu...es arrivée nue. »

Mon sourire s'efface bien vite. Elle explose de rire. Il est clair, précis, et retombe autour de nous sans chute mais tout en délicatesse.

« Tu es dans un rêve, tu ne peux pas avoir des vêtements qui ne viennent pas de là ! »

Oui, c'est plutôt logique comme raisonnement. Jehausse les épaules, un peu gênée quand même.

ꈤꍟꂵꍟꌗꀤꌗWhere stories live. Discover now