𝓛𝓾𝓬𝓪𝓼

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Cyrus me fait signe de m'arrêter. J'obéi, lui accordant une confiance aveugle, et cesse de bouger. Il attend peut-être cinq secondes avant d'attraper mon bras, de s'accroupir et de me tirer contre lui. Je me laisse faire, étouffant un sursaut.

« Ne fais pas un bruit. »

Je hoche la tête, le prenant au pied de la lettre, et ne bouge pas. Trois silhouettes passent presque en face de nous, drapées dans de longues capes d'un rouge vif. L'une tourne la tête, ses yeux ronds comme un « O » d'un bleu presque lumineux scrutant l'obscurité. Ils n'ont ni bouche, ni nez, ni oreille. Juste une tête et un corps gris, probablement en pierre, couvert à certains endroits d'une mousse vaguement verdâtre. Ils passent leur chemin, et Cyrus se relève.

« Des Golems. Ne t'en approche sous aucun prétexte. Surtout avec tes yeux.

-Oui, à ce propos, pourquoi est-ce qu'ils sont comme ça ? »

Il hausse les épaules.

« Je ne sais pas. Un effet secondaire de ton arrivée ?

-Et comment tu sais que je suis un Réveillé ?

-Eveillé. Par ta façon d'être, ça se voit sur plusieurs mètres à la ronde. Ce que je ne comprends pas, en revanche, c'est pourquoi est-ce que tu es là depuis si longtemps ? Habituellement, les Eveillés disparaissent très vite, renvoyé dans leur monde d'origine. »

Il passe par-dessus une espèce de vieux débris de mur. Je l'imite, en fronçant les sourcils, avec tout de même bien moins de grâce.

« Je suis quoi, une sorte d'anomalie ?

-Peut-être. Mais ce n'est pas un défaut tu sais. »

L'endroit est lugubre, sombre. On ne voit plus le ciel depuis quelques heures déjà, à cause des bâtiments qui forment des ponts au-dessus de nous. Ce qui est amusant, c'est que toute une civilisation semble s'être bâtie ici, dans les noirceurs de la ville, comme oubliée. Il n'y a que des ruines, et des tissus au sol ou aux entrées pour faire un semblant de lit, probablement, et de porte. Tout une ambiance a été tissée, que je ne trouve pas désagréable, bien qu'un peu dangereuse. Cyrus s'arrête devant une ruine et pousse le long tissus abîmé qui cachait ce qui fut un encadrement de porte, comme un rideau levé sur un théâtre.

Des hommes, femmes et enfants sont au milieu. Les adultes sont assis, chacun à son occupation : Certains cuisinent, d'autre aiguisent leurs armes, d'autres encore soignent des blessés. Leurs vêtements sont salement amochés, la plupart sont décorés de cicatrice. C'est une foule de survivants, ressemblant à des vétérans. Ce qui est plus triste, c'est les enfants. Ils jouent parmi les décombrent, passant au-dessus et en dessous. Ils sautent, esquivent, se courent après, glisse sous des restes de murs, se cache. Cyrus s'avance, et quelques-uns se jettent sur lui, dans des cris de joie, comme des enfants qui retrouvent leur père après une longue journée de travail. C'est beau, tout en étant déchirant.

« Et bien, quelle énergie ! »

Je regarde les alentours d'un rapide coup d'œil, fasciné par la dynamique de l'espace. Les bruits, les odeurs, les gens. Cyrus siffle, comme pour appeler quelqu'un.

« Karmen ! »

Je lève les yeux pour suivre son regard. Perché tout en haut d'une ruine, une silhouette a le nez plongé dans un livre. Il se redresse et descend avec élégance et agilité. Il me regarde, hausse un sourcil et sourit. Il n'a qu'un tee-shirt, un peu salit avec une veste par-dessus trops grand epour lui, un pantalon noir avec beaucoup de poche et de grosse chaussure, style militaire. Il pourrait être de mon monde...si on oubliait son visage. Ses cheveux, d'un noir profond tombent en cascade un peu ondulée sur ses épaules, les caressant des pointes. Une cicatrice, comme une griffure, mange sa joue gauche, incluant également ses lèvres, une petite partie de son nez et son œil. Celui là est d'un jaune parfait, une iris noire au milieu, sans pupille. Le côté droit de son visage est intact, rongé seulement par de nombreuses tâches de rousseurs qui lui donne un air infiniment malicieux, presque mesquin. Son sourire est éclairé par deux canines, un peu plus grandes que la norme mais pas anormale pour autant. Il semble m'observer avec la même attention que je ne le fais. Nos regards se croisent. Je suis fasciné par son œil jaune, il est impressionné par mes yeux de serpent, si bien que c'est Cyrus qui nous coupe en se raclant la gorge.

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