𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 29

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Je descends les marches sur la pointe des pieds, de nouveau réveillée en sursaut par un rêve étrange. La suite des autres ? Peut-être, mais à un moment différent, vu par une personne différente. Je secoue la tête et m'étire. Je ne me rappelle plus de quoi parlait les autres, juste que c'était du point de vue d'un garçon. Je crois. Et encore, même de ce côté j'ai un doute. A ma surprise, Aeglos était déjà dans le salon, et me regarda avec deux yeux un peu inquiets.

« Et bien ?

-Rien, rien, je me suis réveillée. »

Il sourit, doucement, m'invitant à m'assoir à ses côtés sur le canapé, ce que je fis sans hésiter.

« Tu as le sommeil perturbé, j'ai l'impression. »

Je hausse les épaules, me blottissant entre lui et des coussins. Il attrape une couverture et me couvre.

« Tu penses à ton monde ?

-Pas tellement.

-Tes parents ne te manquent pas ? »

Je ne réponds rien, trop pensive pour dire quoi que ce soit. Des courants d'air tiède s'échappent de la nuit, traversant l'encadrement de porte, et se mêle contre nous. Il nous enveloppe, étrangement doux, et je me sens protégée, au calme, en sûreté.

« Non. On n'a jamais vraiment été une famille, et je me demande même si j'étais vraiment voulue comme enfant. Ils ne me parlent jamais, sauf pour me dire quoi faire ou pour m'engueuler. Ils ne m'aiment pas. Ça ne veut pas dire qu'il me déteste, mais on n'a pas d'affection les uns pour les autres. »

Cette fois, c'est lui qui ne répond pas. Remarque, il n'a pas grand-chose à répondre, ce n'était pas une question. C'est un fait, et il est maintenant bien embêté. Sa main vient dans mes cheveux, qu'il caresse avec tendresse.

« Oromë n'a pas de famille non plus. Et je trouve que ce n'est pas juste. »

Je relève un peu la tête. Pas trop, parce que je ne veux pas qu'il retire sa main, alors juste assez pour qu'il comprenne que mon intérêt s'est réveillé.

« Ses parents sont morts quand elle était plus jeune. Ils se sont fait tirer dessus, durant une embuscade. C'était l'époque où les guerres entre elfes et Golems étaient à vif. »

Je comprends mieux son sursaut lorsque le tonnerre a éclaté, il y a quelques Aurores. Cette information me fait me sentir soudainement très égoïste. je reconnais ce sentiment mais je le trouve assez idiot, parce que finalement il n'y a pas de raisons. Je n'y suis pour rien. Je baisse les yeux, et il semble comprendre mon état d'esprit.

"Je trouve que c'est injuste. On ne devrait pas grandir sans parents. Personne ne devrait être privé de ce luxe.

-Tu as grandi avec tes parents ?

-Oui, les deux. Mon père voyage beaucoup, alors je ne le voit plus beaucoup, mais il nous arrive de se poser tous ensemble autour d'un repas. C'était amusant.

-Tu peux me raconter ?"

Il sembla un peu surpris et fronça les sourcils, avec un petit sourire.

"Quoi, de nos repas de famille ?"

Je hoche la tête. Je n'ai jamais rencontré mes oncles et tantes, cousins ou cousines, voir même grands-parents. Et finalement, je ne connais même pas vraiment mes parents.

"Et bien, on est une grande famille, alors généralement on se retrouve tous chez mon oncle, qui commence à se faire vieux maintenant d'ailleurs. Mon père est toujours accueilli comme un héro, des objets et breloques plein le sac et les poches, et il en offre à tout le monde. Peu importe mon âge, il passe sa main dans mes cheveux, après avoir dit bonjour à tout le monde, et il s'assoit à côté de moi. Il regarde ma mère. Il est encore amoureux. Et il raconte ses voyages. Et moi, peu importe l'âge, je l'écoute, je me tais, je n'ai jamais de question, et je voyage avec lui."

Il rigole doucement, nostalgique.

"C'est toujours impressionnant comme moment, parce qu'il vit tout. Il se bat encore, il rencontre des gens, il découvre des lieux inconnus, et moi je suis ce petit garçon qui écoute son héro revenir de ses aventures. Tu vois ?"

Je souris, et hoche la tête.

"J'imagine bien, en tout cas..."

Avec le temps, j'arrive à comprendre qu'il faut que je chuchote à moitié pour que ma voix se fasse douce. Maintenant, je m'y habitue, je m'y fait, je comprends. Peut-être que quand je me réveillerai, je me mettrai à chuchoter ? Qui sait. Ceci dit, j'espère ne jamais me réveiller. Aussi bien, je suis morte dans mon sommeil, et mon âme est coincée ici jusqu'à la fin de mes jours parce que je ne peux plus avoir accès au paradis. Cette théorie n'est pas inexplicable, remarque. Si je suis morte dans mon sommeil, ça veut dire que mon esprit est ici, et donc le Marchand de Sable ne peux plus renvoyer mon âme dans mon corps parce que mon corps est inerte. Donc Lucas n'est probablement pas là. J'écarquille les yeux, mon cœur rata un battement. Ce serait possible ? Au stade où j'en suis, je me dis que rien n'est à écarter. Aeglos remarque mo inquiétude.

"Qu'est-ce qu'il y a..?

-Est-ce que...est-ce que je pourrai être morte ?"

Il arrêta de bouger durant quelques secondes. Je ne l'entends même plus respirer. Il finit par se redresser, les sourcils froncés.

"Je ne sais pas. Pourquoi tu penses ça ?

-Et bien, si je suis morte, alors le Marchand de Sable ne peut plus me ramener dans mon corps. ça explique pourquoi je suis là depuis aussi longtemps.

-C'est vrai, mais je ne sais pas si c'est possible. Je veux dire, le mécanisme de la mort et du rêve sont quand même bien différent, non ?

-¨Physiquement, oui, mais mentalement, on ne sait pas ce qu'il se passe lorsqu'on rêve, aussi bien j'ai une anomalie qui fait que je suis coincée ici. Et puis, si je suis morte après être arrivée ici ?"

Il se mordit l'ongle, avant de secouer la tête.

"Non, je ne pense pas. Enfin, je ne suis pas sûr. On demandera à Oromë plus tard, d'accord ?"

Je hoche la tête, observant le soleil se lever.

"Elle ne s'est toujours pas réveillée ?

-Si, bien plus tôt. Elle a emmené les Lisches dans leur autre champs.

-Pardon, mais les quoi ?

-Les lisches ? Ce sont des créatures un peu méchantes et capricieuses qui ont besoin d'herbe verte sinon elles se laissent crever de faim. Ce qui n'est pas pratique puisqu'elles font parties de notre alimentation.

-Vous manger les Lisches ?

-Rarement. Non c'est leur lait qu'on récupère. Tu veux manger au fait ou tu veux aller te recoucher ?"

Je secoue la tête.

"Je ne pense pas pouvoir me rendormir alors...bon. Tu as besoin d'aide pour cuisiner ?

-Non, ne t'inquiète pas, je vais m'en occuper. Tu peux aller découvrir l'extérieur en attendant par contre, si tu veux.

-Il n'y a jamais de bêtes sauvages ?"

Il secoue la tête, sûr de lui.

"Non, on vit sur des terres très protégées, tu ne risques rien. mais si tu veux rester ici, tu peux, bien évidemment"

Je regarde dehors. L'herbe verte se courber, les plantes lumineuses briller dans les restes de la nuit, le soleil se lever pour illuminer les montagnes de sa lumière jaune.

"Je vais aller marcher. Un peu."

Il me sourit, et embrasse le haut de mon crâne avant d'aller dans la cuisiner. C'est étrange. J'ai l'impression d'avoir une famille, avec quinze ans de retard, et pourtant sans avoir le sentiment de ne pas les connaître. C'est étrange, mais pas désagréable. Je le regarde disparaître et me lève, me dirigeant vers l'encadrement de porte, toujours ouverte. Je pose un pied en extérieur, sans aucun changement de température, et commence à m'aventurer dans la plaine, ayant pour projet de m'approcher de ces montagnes qui me narguent. 

Au loin, une carapace s'enfonce dans l'ombre. Un sourire fend mes joues. Le Marchand de Lumières vient de partir, sûrement parce que le jour se lève. Le Voleur de Lumière, juste derrière lui, le colle. Ils ne sont donc pas ennemis.

ꈤꍟꂵꍟꌗꀤꌗWhere stories live. Discover now