Chapitre 5 : La première pierre

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Ce 31 juillet commença sous un timide soleil saupoudré d'un vent frais. Les neuf cents personnes étaient présentes et sur le qui-vive dès sept heures du matin.

Délia, Malika et Anoki étaient postés depuis la veille pour repérer les lieux et décider de quelle manière organiser l'occupation. Ils commencèrent à répartir les activistes par groupe. Délia indiqua les endroits à s'emparer et Malika donna les tâches et les missions de chaque groupe. Petit à petit, l'opération prenait forme dans ce vaste terrain qui était arboré de toute part. L'état témoignait du manque d'entretien et du long temps passé. L'équipe était fière de redonner vie à ce petit coin reculé dont le souffle d'une âme n'a pas été ressenti depuis des lustres.

Cette opération coup de poing n'était pas restée indifférente, on pouvait apercevoir deux ou trois journalistes avec leurs cartes de presse. L'installation et l'occupation ont été faites sans encombre. Pendant les derniers préparatifs l'équipe commença à déballer les sacs de provisions. Ceux qui en avaient la tâche devaient préparer le repas avant la tombée de la nuit.

Au moment où tout le monde commençait à s'attabler, Délia aperçut au loin des lumières vives telles des vers luisants dans la nuit. Ces lumières s'approchèrent de plus en plus jusqu'à entrevoir deux voitures sombres. Tout le staff se leva et se dirigea vers elles. Un homme sorti de la première voiture, on pouvait apercevoir cette silhouette élancée se fondre dans l'ombre du crépuscule.

Délia telle une guerrière avança vers lui, quand Malika resta en retrait. L'homme scruta le terrain de l'est à l'ouest avec un regard désemparé, puis s'arrêta sur les yeux de Délia qui était juste en face.

— Bon, je vois votre manège. Vous voulez jouer ? Alors on va jouer, ironisa l'homme.
— Ici, on ne joue pas. On est là pour faire échouer vos manœuvres Malsaines, osa répliquer Délia.

— Vous ne savez pas qui je suis, je vais me présenter. Je suis Mr Bouchard le nouveau propriétaire des lieux. Et j'ai un très bon conseil à vous donner, il faut vite quitter mon terrain si vous voulez éviter des problèmes !


— Enchanté, Monsieur Bouchard. Mais vous savez des problèmes on en a déjà, c'est vous et votre projet de pollution.

— Eh bien, je vais appeler tout de suite la police.

Elle le regarda longuement droit dans les yeux et lui a répondu par un long silence profond, qui l'agaçait. Elle se retourna et s'étonna de la foule amassée.

Toutes les personnes se sont rapprochées pour écouter ce qui se tramait. Elle fit un signe de la main pour les faire reculer, et tous s'exécutèrent. Sous cette pression monsieur Bouchart et son équipe ont rebroussé chemin.

La nuit était bien tombée, une équipe a été désignée pour faire le guet à tour de rôle. Ils attendaient de pied ferme l'arrivée de la police locale. Mais la nuit s'est passée sans aucun souci et le sommeil fut reposant.

Cette tranquillité ne dura pas, à six heures tapantes, un troupeau de véhicules s'approcha du campement, c'était la police. Des dizaines d'hommes et femmes en uniformes encerclèrent soudainement l'enclos. Un policier s'approcha précipitamment, surement le chef. Délia tel un porte-drapeau avança d'un pas assuré. Le policier comprenait qu'il avait à faire à la porte-parole du mouvement. Il ne tarda à leurs expliquer qu'ils étaient tous dans l'illégalité, que leur action était interdite. Il leur imposa de quitter les lieux dans le plus bref délai.

Délia ne se dégonflait pas et rétorqua d'un ton autoritaire que leur présence était légitime, et qu'ils étaient là pour sauver l'environnement.

— Vous êtes au courant que dans ce lieu il y a un projet de construction d'une usine à gaz liquéfié ? On est dans une des rares régions saines et on veut la garder telle quelle, se justifia Délia.

— Je suis un enfant de cette région, c'est ma terre natale et je la défendrai jusqu'à la mort, appuya Anoki, tout en s'approchant du policier.

— Écoutez, le propriétaire a porté plainte contre votre association, on va vous laisser jusqu'à demain matin sept heures. Si vous êtes encore là on sera obligé de déployer les grands moyens pour vous déloger, menaça le policier.

— Demain et après-demain on sera encore là, répondit Malika sur un ton ferme.

Tous s'éloignèrent dans le calme pour vaquer à leurs occupations. Délia a convoqué une réunion d'urgence pour préparer la stratégie à mettre en place pour faire face à l'éventuelle expulsion. La technique était simple, il fallait empêcher les policiers d'arriver au terrain. Pour ce faire, Délia avec sa grande imagination, proposa de s'attacher aux arbres et aux grillages avec des menottes.

L'Enclume des sages : Tome 1Where stories live. Discover now