Chapitre 15 : L'épreuve d'une vertu

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Un nouveau jour commençait avant l'aube pour Délia. C'était un jour très attendu, toute la communauté escomptait un camion d'aide humanitaire. L'argent récolté par la cagnotte mise en ligne et les différents dons des partisans, avaient permis d'acheter des denrées alimentaires, des vêtements, mais aussi des fournitures médicales.

C'était l'heure de la grande distribution dans le village. Les habitants les plus démunis ont été mis au courant en amont. Le monde commençait à s'activer dans les rues. Délia s'accordait la mission de gérer la logistique pour que tout se passe bien. La grande place où devait se tenir la répartition ressemblait à une fête du village. La foule s'amassait de plus en plus, hommes, femmes et enfants s'entremêlaient sur toute la surface.

Un grand camion de cent mètres cube avançait lentement. Il s'arrêta au milieu de la route. Délia s'approcha, et reconnu le chauffeur qui était un membre de la Croix rouge qu'elle connaissait bien. Elle attendait sa descente pour l'accueillir, mais il resta immobile avec le visage fermé.
Elle ne recevait pas le retour du sourire qu'elle lui a envoyé. D'un coup, la portière du côté passager s'ouvrit brusquement, un homme bondit soudainement et brandit une arme pour braquer la foule, et pas n'importe qu'elle arme, une kalachnikov.

Personne n'a eu le temps de comprendre quoi que ce soit, que les grandes portes arrière s'ouvrirent et quatre hommes, également armés, sautèrent au sol. Un d'eux s'approcha directement de Délia.

— Je vais être clair, net et précis. Je vous laisse deux heures pour quitter le terrain que vous occupez illégalement. Sinon, nous repartons avec le camion et le chauffeur, et je vous épargne les détails du carnage que nous laisserions derrière.

Prise de court, elle se sentait tellement impuissante face à cette menace qu'elle mit quelques longues secondes avant de répondre.

— Cette fois vous avez gagné, mais vous allez me le payer très cher, croyez-moi !

— Dépêchez-vous de déguerpir, au lieu de faire la morale. Ordonna une main armée.

Délia se retourna vers la foule qui n'en croyait pas ses yeux, et leur donna le feu vert pour débarrasser tout le terrain et partir. Le décampement a duré environ deux heures. Sous le regard aguerri des hommes armés, le déménagement s'était fait dans une angoisse totale.
Mais une fois le terrain vidé, les geôliers ont relâché le chauffeur et le chargement, et sont repartis à bord d'un van qui se trouvait en retrait.

La priorité était de distribuer la cargaison au nécessiteux. Sa mission était remplie en dépit du dépourvu. Elle se précipita pour contacter l'avocat de l'association pour l'informer de ce qui venait de se passer. Il en était plutôt satisfait du faux pas de l'adversaire, qu'était le promoteur véreux. Il pouvait rajouter cette frasque pour alimenter le dossier qu'il avait prévu de défendre lors du référé. Elle n'avait pas fini de parler, que plusieurs voitures entouraient le terrain pour le sécuriser. Il y avait même un bulldozer qui plaçait des rochers devant les accès, pour éviter une nouvelle intrusion.

Tout avait été planifié minutieusement. Elle ne s'était pas remise de ses émotions que ses pensées se dirigeaient vers Anoki, elle lui téléphona pour savoir comment s'est passé sa nuit et prendre des nouvelles de son frère.
Elle ressentait, malgré la distance, que son moral n'était pas très bon, même s'il essayait de faire paraitre un mental d'acier.

Il coupa court à la discussion. Dans un débit assez lent et une voix éteinte, il lui apprenait que son frère Nadil venait de mourir très tôt ce matin. Il a eu des complications dans la nuit, son état s'est aggravé subitement. Ses organes vitaux étaient très endommagés.
Il est passé très vite au bloc opératoire, mais les médecins ne pouvaient rien faire.

Délia était choquée par la nouvelle, elle perdait toute notion et son téléphone avec, il tomba au sol. Tous ses muscles se sont relâchés, ce qui l'obligea à s'asseoir, elle récupéra tant bien que mal son téléphone et le recolla à son oreille.

— Tu es encore là ?

— Oui, toujours !

— Je suis vraiment désolé pour ton frère. Il faut que tu sois fort, on est croyant, la mort c'est la continuité de la vie. Parfois il vaut mieux partir dans l'au-delà que de souffrir ici.

— Oui je sais, merci pour ton soutien, Délia.

— J'ai été submergée de travail ici au terrain. Je ne vais pas tarder à arriver, je te rejoins.

Elle était encore assise, plongé dans ses pensées, son esprit se cheminait en direction de sa mère. Inconsciemment elle lui demanda une aide psychologique, des conseils. La connexion était établie, elle lui répondit aussitôt.

— Maman, je suis contente de t'entendre, j'étais inquiète de ne plus avoir de tes nouvelles.

— Désolé, j'étais très occupée ces derniers temps.

— J'ai beaucoup de mauvaises nouvelles en ce moment. La plus grave c'est qu'Anoki a perdu son frère Nadil, il est décédé ce matin.

— Nadil ! Il était dans quel hôpital ?

— A l'hôpital Chauveau, pourquoi ?

— C'est quoi son nom de famille ? 

— C'est Naskapi, je crois. Pourquoi tant de question ? s'étonna-t-elle.

— Je reviens vers toi, reste disponible surtout.

Délia ne comprenait pas ce qui se passait, sa mère paraissait préoccupée, son questionnement l'inquiétait énormément. Mais elle patientait péniblement.

— Délia, écoute !

— Oui maman.

— Nadil Naskapi, est un jeune qui a été intégré au programme « longévité » du gouvernement, diligenté par le laboratoire Neuromed. Il fait partie du groupe L 2, des cobayes qui ont été implantés d'une puce électronique dans le cerveau. Ils étaient cinq, avec un objectif précis qui était de stimuler des cellules et des organes malades pour les régénérer. Mais surtout, l'objectif ultime était de donner une nouvelle naissance à la biologie pour combattre le vieillissement cellulaire. En clair, ils cherchaient un moyen de rendre l'humain immortel grâce à cette technique régénérante qui retarde le vieillissement.

— C'est hallucinant. Donc si j'ai bien compris, Nadil a été tué juste pour voir si ses cellules vont se régénérer et s'il va revivre ou pas ? 

— Je ne sais pas, mais quoi qu'il en soit, un groupe du laboratoire va venir auprès de lui, pour faire des relevés et vérifier si leur projet a fonctionné.

— Je suis sur le chemin de l'hôpital, je vais tirer tout ça au clair.

— Fait attention à toi, ces gens sont très dangereux. Évite de les rencontrer.

— Je serai prudente promis. Dis-moi, j'ai deux questions qui m'occupent beaucoup l'esprit. Où es-tu en ce moment ? Et pourquoi on ne se rencontre pas ? j'aimerais tellement te voir et te serrer dans mes bras.

— Ma situation est très compliquée, je ne peux t'en dire trop. Tout ce que je peux te dévoiler, c'est que je ne suis pas tout à fait libre de mes mouvements, mais mon esprit est libre. Le moment qui sera destiné, fera honneur à notre rencontre. J'ai beaucoup de dossiers à régler, mais je ne t'oublie pas.
  
— Je te fais confiance, j'espère te voir très bientôt. Je vais arriver à l'hôpital, je te laisse.

On planifie nos journées, nos semaines, nos mois et nos années. Enfermé dans notre routine, on néglige la fatalité, qui nous rappelle que rien n'est joué d'avance. Cette phrase résonnait dans sa tête tel un tonnerre. 

L'Enclume des sages : Tome 1Onde histórias criam vida. Descubra agora