Chapitre 48 (Alex)

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          Mon unité vient de se planquer sous un pont près du chemin menant à la villa de Sanchez. Une équipe argentine est avec nous et deux autres sont dissimulées une dizaine de mètres en amont. Nous attendons qu'une voiture d'employé arrive afin d'envoyer Elena en infiltrée à la place de son conducteur.

          Plus tôt dans l'après-midi, après avoir pris connaissance de l'activité au domicile du kidnappeur de ma copine, nous sommes retournés au QG et avons mis en place un nouveau plan. Nous ne voulons pas intervenir sans être sûrs que Megan soit bel et bien à l'intérieur. Si nous faisons une descente et qu'elle n'est pas là, Sanchez l'emmènera dans une nouvelle planque qui nous sera longue à dénicher.

          Sans compter que nous ne savons pas dans quoi nous nous embarquons. Nous ignorons combien de soldats nous aurons en face et nous ne savons même pas dans quelle pièce se trouve notre capitaine, en supposant qu'elle est à l'intérieur.

          Nous avons besoin d'une vue plus précise de la situation. C'est pour cela que nous allons envoyer Elena en infiltration, pour être certain de ce qui nous attendra entre ces hauts murs.

          Nous sommes pratiquement sûrs que les ravisseurs de Megan ne connaissent pas ma collègue, donc passer pour une employée lambda ne devrait pas être un exercice trop difficile pour elle qui est formée pour ce genre de situation et extrêmement douée. Je lui fais entièrement confiance pour mener à bien sa mission. En plus, elle est la seule à parler un bon espagnol. Sans ça, ce n'est même pas la peine de poser un orteil sur la propriété sous une fausse identité, nous serions cramés en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

          Le flux de véhicule auquel nous avons assisté de loin tout à l'heure a fortement ralenti. Nous sommes sous le pont depuis bientôt un quart d'heure et aucun véhicule n'est passé pour l'instant. Nous nous impatientons.

Mais qu'est-ce qu'ils attendent?!

Soudain, nous entendons le rugissement d'un moteur s'amplifier au fil des secondes. Une voiture arrive.

          Nous nous préparons à intervenir. Nous devons arrêter l'automobile avec le moins de bruit possible pour ne pas alerter les autres employés que la police se mêlent des affaires de cette maison. Il ne faut pas qu'ils détectent un danger à l'horizon, cela gâcherait toute notre mission.

          Le véhicule tourne à l'intersection de deux routes en gravier et entre enfin dans notre ligne de mire. Il se dirige vers nous. Pour l'instant, le conducteur ne nous a pas remarqués.

          Quand l'automobile arrive à la hauteur de mon équipe, nous sautons sur la chaussée et la bloquons afin d'empêcher notre cible de continuer son chemin. La voiture pile et le regard du conducteur, ou plutôt de la conductrice, paniqué, cherche une issue. Elle tente de reculer, mais les deux équipes en amont la coincent à leur tour. Mon arme pointée sur la jeune femme derrière le volant, je crie en espagnol :

— Sortez immédiatement du véhicule les mains en l'air !

La demoiselle articule une phrase inaudible pour tous les agents entourant la voiture et Lewis répète les quelques mots que Megan m'a appris quand nous regardions ses séries policières préférées, en espagnol du coup, mais la femme ne daigne pas coopérer. Un agent argentin demande pour la troisième fois à la conductrice de sortir du véhicule, mais elle reste sagement assise à sa place.

— Jason, à toi, annoncé-je alors.

          Le jeunot s'écarte de la ligne que nous formons devant le quatre roues pour se rapprocher à pas prudents de la portière arrière. A l'aide d'un pied de biche, il brise la vitre et lance une grenade assourdissante dans l'habitacle. La femme, surprise par l'horrible volume sonore, se bouche les oreilles en espérant diminuer la douleur de ses tympans.

          Par expérience, je sais que c'est peine perdue. Ça ne fonctionne absolument pas.

          Une unité argentine profite de la distraction pour la sortir du véhicule et un sergent lui passe les menottes. Elle hurle des paroles incompréhensibles pour moi. Mon niveau d'espagnol n'est pas assez haut pour saisir la subtilité de ses mots, mais par contre, j'arrive plutôt facilement à deviner qu'elle ne nous idole pas. Loin de moi cette idée.

          Le sergent argentin emmène rapidement la demoiselle dans la voiture de police cachée derrière le pont. Le volume des cris de la jeune femme diminue, jusqu'à disparaître. J'espère que personne ne les a entendus...

          Il ne faut pas que les employés de la maison se doutent de quoi que ce soit...

Elena, n'ayant pas participé à l'intervention dans sa tenue de civile, nous rejoint avec une Peugeot que nous avons louée pour l'occasion.

— Elle s'appelle comment et c'était quoi son job ? demande-t-elle en baissant la vitre. Que je puisse enfin rentrer dans cette foutue baraque !

— Aucune idée. Pour l'instant, elle n'a pas été très coopérati... commence Lisa, interrompue par Bryan.

— Pas besoin d'elle. Sa carte d'employée était dans son portefeuille sur la place passagère. C'est une femme de chambre et elle s'appelle Marina David.

Bryan s'approche de la voiture et lui tend la petite carte qui lui permettra sans doute de passer le portail. Avec un léger soulagement, je m'aperçois qu'aucune photo n'y figure. Elena pourra se faire passer pour cette femme sans trop de difficultés.

— Marina David, femme de chambre. Ok, j'traine pas. A toute.

— Reste sur tes gardes, lui rappelle Lewis.

Elle hoche la tête, puis redémarre le moteur, alors que les agents californiens et argentins restons là, à l'observer s'éloigner sur le chemin en laissant derrière elle un monstrueux nuage de poussière.

Je ne te lâcherai pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant