Chapitre 19 : Fiat Lux, Et Lux Fuit

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Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent :

Proudhon, quarante-sixième étage.

L'ascenseur n'était pas le même ; la voix robotique non plus : c'était une voix d'homme. L'étage tout entier était plongé dans le noir. La seule lumière, étant celle de la cabine de l'ascenseur, éclairait seulement les quelques carreaux du carrelage blanc. Roxane s'avança prudemment pour suivre Rosalind, Léopold et Evelynn qui semblaient facilement se repérer dans l'ombre. Roxane cligna des yeux plusieurs fois pour tenter de s'accommoder à l'obscurité. On pouvait entendre l'écho produit par le son des talons des femmes sur le sol, les gouttes d'eau qui tombaient du plafond et les quelques bruits de vapeurs s'échappant de tuyaux au-dessus de leurs têtes. De cet étage, on pouvait entendre l'activité de la Tour tout entière par le biais des conduits d'aérations qui semblaient produire de légers murmures. Les portes de l'ascenseur se fermèrent en poussant un grincement strident et métallique. Cette fois-ci, Roxane était entièrement dans le noir. Son pouls s'accéléra. Elle sentait son cœur battre et semblait pouvoir décomposer chaque vibration, chaque éclat de verre sur lesquels ils marchèrent. Elle sentit que Léopold et Rosalind s'étaient arrêtés, alors elle fit de même et se plaça entre eux deux. Elle entendait la respiration lourde et poussive du vieil homme à sa gauche et celle de la rousse à sa droite qui paraissait tremblante. Le crépitement du verre se faisait encore entendre dans le fond de l'étage où la commandante s'aventura. Un silence glacial s'installa enfin. Un gémissement de métal rouillé par le temps se fit entre. On entendait le minuteur incessant installant une atmosphère d'horlogerie, et les ventilateurs du générateur se mettre en route un à un. Les néons au plafond firent de même.

« Fiat lux, et lux fuit » énonça le barbu. (« Que la lumière soit, et la lumière fut. »)

Roxane découvrit l'étage. Il était entièrement abandonné, délabré : tissus des canapés déchirés ; lampes à pied renversées ; vitres brisés... Face à elle maintenant, un mur blanc. Il semblait avoir été peint récemment, entièrement neuf, nu ; à une exception près : trois symboles y était dessinés avec une encre rouge. La jeune fille s'imagina alors que c'était du sang, elle avait raison, mais elle préféra ne pas affirmer son hypothèse.

Le premier dessin était un cerveau - une coupe latéral - dont chaque lobe avait soigneusement été représenté.

Le second, celui au centre, était une couronne. Il n'y avait pas beaucoup de détail mais on pouvait s'imaginer une réelle coiffe royale.

Le dernier, le plus à droit, interpella directement Roxane : c'était une paire de ciseaux.

En regardant ces dessins, elle fit directement le lien avait ce que Léopold lui avait dit auparavant : « D'abord avec ton intelligence, puis avec ton pouvoir, et enfin, avec une paire de ciseaux. ».

L'intelligence était représentée par le cerveau ; le pouvoir par la couronne ; et les ciseaux par eux même.


Après un quart d'heure dans un silence des plus profonds, les lumières s'éteignirent.

- Time Out ! cria Evelynn dans un écho. Minuterie du générateur terminé, demi-tour droite !

Rosalind fit machine arrière et se dirigea vers l'ascenseur. Elle tapota sur le bouton et les portes s'ouvrirent dans le même grincement insupportable que dernièrement.

- C'est assez, je dirai même déjà beaucoup, pour aujourd'hui, déclara-t-elle pour finir.

LE MURMURE DE LA PLUIE | Science-FictionWhere stories live. Discover now