Chapitre 27 : La rose écarlate

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De Vinci, l'étage de la réception, était entièrement désert. Roxane ne le savait pas mais Elizabeth avait réservé l'étage pour elles deux. Roxane se dirigea dans la salle de réception. Au centre de la piste de danse, éclairée à la lumière d'une bougie, Elizabeth était assise, les jambes croisées, dans une belle robe blanche.

- Entre, commença la belle anglaise, je t'en prie.

Roxane s'approcha de la table et s'assit. Elizabeth se pencha en avant et regarda la jeune fille dans les yeux. Elle lui caressa la joue et lui dit :

- Comme tu es belle, jeune et pure. Tu ressembles tant à ton père.

Roxane ressenti un pincement au cœur.

- Ta mère aussi était très belle, très intelligente, très... Anarchiste aussi.

De nouveau un pincement.

- Mais c'est vrai que la vie hors de la Tour est très compliquée : nourriture rationnée, température désagréable... Et puis bien sûr les crues. Comment vont tes amis ? Sont-ils tous déjà morts ? Comment va cette petite vieille dame, Anne si je me souviens bien ; est-elle morte de froid ? Pas encore ? Et comment va Jayce ? fit-elle, narquoise.

Le cœur de Roxane était en train de brûler. Elle pouvait sentir cette rage en elle, mais qu'elle ne pouvait pas expulser, impuissante.

- N'est-il toujours pas mort ? Ne nous sommes donc pas encore occupés de son cas. Une exécution est le sort qu'est réservé à ceux qui trahissent notre joli système.

- Qu'est-ce que vous lui voulez ? Qu'est-ce que vous me voulez ? Qu'est-ce que vous voulez de cette Tour ?

- Ce que je veux Roxane, c'est toi, c'est ta peau, ton sang, ta chair, ton passé et ton futur, ce que tu es toute entière. Tu es celle qui risque de condamner le système qui nous permet aujourd'hui de survivre.

Elizabeth se leva et souleva sa robe jusqu'à sa hanche et dégaina de d'un fourreau accroché à ses bas en lycra, un poignard argent qui brillait à la lumière de la bougie. Elle le pointa vers la jeune fille puis lui déclara :

- Ce que je veux Roxane, c'est te tuer.

*

Rosalind avait les yeux rivés sur les dessins tracés avec du sang frais : Deux paires de clés s'entrecroisant, symbolisant la justice promis par les créateurs ; une rose rouge, symbole de la pureté et de la beauté de Roxane ; et entre elles deux, un poignard qui pointait la rose.

La femme ferma les yeux. Elle sut que c'était les dernières minutes de Roxane.

*

Roxane se leva brusquement, laissant la chaise tomber au sol, dans un mouvement de panique. Sa pulsation cardiaque commençait à grimper ; une bouffée d'adrénaline lui évita la crise d'angoisse.

- Mais qu'est-ce que... suffoquait-elle, qu'est-ce que vous faites ?!

- Je vais te trancher la gorge, assura Elizabeth, jusqu'à-ce que tu baignes dans ton sang.

Roxane recula en arrière et tomba au sol immobile, impuissante, médusée face à celle qui voulait la tuer. La déesse, ou plutôt celle qui se révélait maintenant comme une démone, s'esclaffa d'un rire luciférien. Mais une créature bien plus méphistophélique sortait d'une grande hibernation.

*

Les yeux de Rosalind s'ouvrirent machinalement. Sa pupille se dilata. Les dessins avaient changés : La rose s'était changée en une lanterne. Les yeux de Rosalind s'illuminèrent. «Que signifie cette lanterne ?» se demanda-t-elle, « Le courant de l'histoire... a changé !?»

*

Tout à coup, sans aucune raison apparente, la pièce devint glaciale. Un cri inhumain se fit entendre dans les couloirs. De la vapeur d'eau sortait de la bouche de Roxane après chacune de ses expirations. Elizabeth elle se mordait les lèvres, impatiente de tuer la jeune fille.

Elizabeth empoigna son arme, courut avec rage vers la jeune fille au sol, releva son bras pour prendre une impulsion, et abattit la lame sur Roxane.

Sa robe blanche s'imprégna d'une tâche bordeaux qui s'étendait sur le tissu. Elizabeth cracha du sang, lâcha son arme, et tomba lentement en arrière. Elle chuchota dans un dernier souffle « Ils te retireront tout, et tous ceux que tu aimes. ». Roxane, elle, le visage tacheté de perles écarlates, tremblait encore. Cela ne cessa pas quand elle vit la créature. Le géant, chétif jusqu'à émaciation, cria de toutes ses forces face à la jeune fille : un cri rauque. Son corps squelettique et déformé, dont la peau pâle et grisâtre semblable à celui d'un mort déterré, était putride, visqueux, froid. Il était rabougri et émacié, mais néanmoins massif. Ses yeux blancs, dont l'iris et la pupille avaient disparues, était profondément enfoncés dans leurs orbites. La bête, sans lèvres ni orteils, était à mi-chemin entre l'homme et l'animal, tout droit sorti d'une légende amérindienne d'anthropophage. Il s'approcha près du visage de Roxane, la regardant du blanc de ses yeux en tournant la tête plusieurs fois, comme pour exprimer une curiosité ou une incompréhension, puis lui souffla une haleine glaciale. Il prit de ses grandes mains le corps de la Reine inerte, et lui déchira, en déchainant, le visage de ses griffes. Il découpa le thorax de la femme puis en extirpa son cœur. Il le déposa au pied de Roxane, comme en offrande. Après avoir poussé un dernier hurlement, il disparut dans les couloirs obscurs, laissant la jeune fille et le corps ouvert d'Elizabeth défiguré. Roxane éleva sa main du sol qui baignait dans le sang. Glissa ses doigts ensanglantés sur son visage, de son front, en passant par ses paupières et son nez, jusqu'au bout de son menton, laissant une trace indélébile de ses dernières minutes dans sa mémoire. Elle perdit connaissance.



LE MURMURE DE LA PLUIE | Science-FictionWhere stories live. Discover now