Chapitre 25 : La rose sera poignardé

165 19 3
                                    

Il faisait nuit. Roxane était à la terrasse, regardant l'horizon. Léopold vint la rejoindre.

- Tuer la Reine, rien que ça, soupira la jeune fille. C'est incompréhensible.

- Pourtant tu le feras, insista le vieil homme.

- Mais je ne l'ai jamais vue ! Comment je pourrais ... ?

Le barbu regarda sa montre : il était vingt-trois heures cinquante-neuf.

- Allons au Palet de Musset, ce soir je t'invite, déclara-t-il.

Il faisait encore nuit noir, quand tout à coup, des lumières scintillèrent dans l'eau. Roxane se leva brusquement et s'approcha du rebord.

- La mer, elle brille !

- Non, ce n'est pas la mer. C'est notre mère.

C'était celle que l'on nommait autrefois la dame de fer, toujours aussi étincelante depuis des siècles. C'était la Tour Eiffel.

*

Elle était assise à table avec Léopold, regardant les gens danser.

- Ça commence à me dégoûter ces gens qui prennent autant de plaisir alors que dehors ils crèvent la dalle.

Léopold sourit et détourna du regard.

Moi aussi ça me dégoûtait autrefois, pensait-t-il, et ça me dégoute encore.

Elle s'approcha de la table. Roxane se redressa. Quand elle la vit, elle en resta médusée, comme prise dans la roche. Elle sut que c'était elle, celle qu'elle devrait tuer. Elle se leva et se mit face à elle

- Bonsoir, mademoiselle Musset.

- Bonsoir, ma Reine.

Chacune d'elles firent la révérence ; Roxane baissait les yeux, Elizabeth elle, la regardait avec un sourire narquois.

- J'ai su, par le plus grand des hasards, ricana la belle blonde, que vous n'étiez pas d'ici, je ne me trompe ?

Roxane regarda Léopold les yeux remplis de peur. Le vieil homme remua discrètement sa tête de haut en bas.

- C'est exact, dit la jeune fille, la voix hésitante.

La reine sourit, prit la rose rouge qui était dans le petit vase sur la table puis déclara en caressant les pétales :

- La rose vous représente bien : belle, pur, élégante, jeune, pleine de vie et d'avenir, se défendant sous sa carapace...

Elle commença à retirer les épines et continua :

- Mais aussi faible, elle regarda la jeune fille dans les yeux, lui glissa la fleur dans les cheveux et lui dit : amoureuse ?

Le cœur de Roxane se détruit. Elle sera les dents, les larmes aux yeux.

- J'aimerais que nous nous revoyions. Que diriez-vous d'un thé, demain matin ?

Roxane n'acquiesça pas, elle resta silencieuse, impassible. L'anglaise fit demi-tour et chuchota par-dessus son épaule :

- A demain, mademoiselle Musset.

*

- Il y avait la paire de clés, la rose, et entre elles deux, un poignard qui pointait vers la fleur... Est-ce que tu réalises Léopold ?!

- Mais qu'est-ce que tu racontes Rosa ?! Roxane ne mourra pas ! C'est Elizabeth qui mourra !

- La paire de clés qui poignarde la rose, Elizabeth qui poignarde Roxane... Comment faire plus clair que ça ! Tu le sais très bien Léopold, jusqu'ici les messages tracés à Proudhon se sont tous réalisés.

- Si c'est écrit, alors il faut laisser faire l'histoire. Si Roxane doit mourir, alors elle mourra.

LE MURMURE DE LA PLUIE | Science-FictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant