Tout le monde va bien. Enfin. Presque.

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- Si tu ne souhaites pas répondre, je comprendrais. J'attendrais que tu te sentes prêtes à le faire.

- Alors il faut que ce soit maintenant, assurai-je, la mâchoire serrée. Dès demain, je ne veux plus jamais repenser à ce qu'il s'est passé.

Maël ne répondit mais je sentis sa propre crispation, sa propre angoisse devant cette réponse qui lassait deviner des monstruosités que j'allais devoir détailler. Mais avant cela, je devais impérativement recouvrir mon calme. Je me laissai glisser totalement dans l'eau, celle-ci venant recouvrir mon visage alors que le silence me submergea une fois ainsi submergée. La fraîcheur de la rivière apaisa la brûlure de ma peau, me caressant comme la main invisible d'une mère aimante et rassurante. Malgré le délice que j'éprouvai à ces sensations, je dus ressortir la tête de l'eau, manquant d'air. Je basculai la tête en arrière, tirant mes cheveux pour les dégager de mon visage. Mes yeux se perdirent sur le ciel qui commençait à s'assombrir, perdant en lueur en suivant la course du soleil. Mais la lune, elle, resplendissait toujours au-dessus de nous.

- Il y a eu plusieurs étapes, murmurai-je, restant focalisé sur l'astre rond. Ils se sont d'abord concentrés... sur une tactique purement physique. Ils ont d'abord frappés, puis brûlés. Ils m'ont affamée, assoiffée, laissée pourrir dans une pièce sans lumière durant des jours... Ils ont fait appel à des marqués possédant un don de manipulation des sentiments afin de m'infliger des douleurs continues... chaque jours j'avais l'impression que cette douleur allait me tuer, allait finir par me terrasser. Mais je suis parvenue à ne pas sombrer dans la folie... alors ils ont débuté la torture psychologique.

- C'est bon, coupa soudainement Maël, articulant péniblement. Ne détailles pas, je crois comprendre ce que cela signifie.

Je ne répondis pas, ne tenant pas, moi non plus, détailler mes propos. J'étais bien trop crispée tandis que mes souvenirs remontaient à mes pensées sans que je ne parvienne à les écarter. Mais je n'étais pas celle la plus tendue. C'était Maël. Et de loin. Son esprit torturé était envahi par la haine, le besoin de vengeance et une part de culpabilité qu'il n'aurait jamais du éprouver. Tout ceci n'était pas de sa faute. Rien ne l'était. Et je ne pus m'empêcher de craindre qu'il ne se lance dans une guérilla suicidaire lorsque la haine finit par prendre le dessus sur ses émotions. Il voulait me venger. Voulait s'assurer que, plus jamais, ces types ne poseraient la main sur moi. Mais il ne devait pas. Nous n'étions pas de taille à les affronter. Du moins. Pas encore.

Distraitement, je frottai mes bras, tentant d'en retirer les nombreuses traces de sang qui les recouvraient. Ce n'était pas très fructueux, certaines traces se refusant à disparaître. Néanmoins, petit à petit, je me sentis moins sale. Moins souillée. Petit à petit, je parvenais à redevenir moi-même, comme si laver mon corps signifiait, tout autant, retirer les souillures de mon esprit.

Et, soudainement, ce que je cherchai à éloigner de mes pensées, jusqu'à présent, ressurgit brutalement. Mes mains se resserrèrent sur mes bras, mes ongles s'enfonçant dans ma peau.

- Est-ce que... tout le monde... va bien ?

Ma voix se perdit dans le bruit de l'eau qui n'était, pourtant, qu'infime. Je n'étais donc pas certaine que Maël ait pu m'entendre. Cependant, je ne pus que remarquer qu'il se détendit légèrement, soulagé de pouvoir penser à autre chose. Mais il ne parvint pas totalement à effacer de ses pensées ce qu'il venait d'apprendre. Il ne parviendrait jamais à l'oublier. Et j'espérai sincèrement que, moi, j'en serais capable.

Ma gorge se noua dans l'attente de sa réponse. Il tardait à prendre parole, cela signifiait-il qu'il cherchait comment m'annoncer la mort de mes amis ? Je vacillai. Non. Pitié, Dana. Ils ne devaient pas être morts. Aucun d'eux.

Water Lily : l'éclosion.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant