Rêve par @Rosaniam

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Odieux rêves – oh ! le soir, la joue appuyée contre la vitre froide, les jambes ramenées vers un corps frêle. Juste au bord de la fenêtre, pour sentir glisser le long des plaintes un air vif et gelé, respirer un peu le souffle brillant de l'hiver. Et puis, les yeux rivés vers le bas, jouer à tomber, mêler à la réalité grise et morne – toujours si semblable – des illusions rouges, bleues, luisantes de bonheurs inventés.

Tisser parmi les voitures qui passent avec des grognements fatigués les fils d'invisibles intrigues.

Attendre, au milieu des parfums brouillés de pluie, que tout s'endorme et que se lèvent les éclats perdus des réverbères. Là, tout meurt doucement dans des chuchotements rieurs, les pas s'endorment, tous se supportent et observent, dans le reflet immonde du miroir, les corps aux cernes violacées, ivres de toutes ces paroles gueulées le jour qui leurs appartiennent ; songeant à voix haute sous les lumières pauvres des néons, ils se contemplent, regardent leur humanité, leurs chairs qu'ils haïssent, qu'ils adulent, rêvent en les étirant et en y laissant échouer leurs ongles qu'elles soient un peu différentes – plus belles, plus lisses, plus vraies, plus dignes de faire partie d'eux-mêmes – ils rêvent...

Elle est encore à la fenêtre, elle attend. Le sommeil viendra, sans rien dire, il laissera retomber cette main qu'elle appuie encore contre son front. Déjà elle la sent lasse, désireuse de partir, de répondre aux prières lancinantes de la gravité. Peut-être la lâchera-t-elle plus tard, mais il est encore temps d'attendre. Il faut alors construire, dans le ciel qui se peuple lentement des échos des lueurs d'immeubles, les squelettes des rêveries nocturnes.


Échos de consciences inconnuesWhere stories live. Discover now